ÉVANGILE « Demandez, on vous donnera » (Lc 11, 1-13)

Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. » Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : ‘Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation. » Jésus leur dit encore : « Imaginez que l’un de vous ait un ami et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander : ‘Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir.’ Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : ‘Ne viens pas m’importuner ! La porte est déjà fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose’. Eh bien ! je vous le dis : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira. Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »

HOMELIE

Les textes de ce dimanche nous parlent de la prière en nous présentant deux exemples,  la prière  d’Abraham au début de l’histoire de l’alliance et celle de Jésus quelque 1900 ans plus tard au seuil de la nouvelle alliance. Mais entre ces deux exemples on rencontre dans tous les livres de la bible des priants et des formes les plus variées de la prière. Il y a , entre autre, ce fameux livre des psaumes, recueil de 150 prières qui  ont alimenté la prière personnelle ou publique de tout un peuple, la prière de Jésus et qui alimente aujourd’hui encore la prière de l’Eglise en particulier dans l’office des moines et des moniales,  dans ce qu’on appelle la prière des heures, psaumes que l’on retrouve à chaque messe après la première lecture pour intérioriser cette lecture dans la prière.

Cette prière des psaumes semble connaître un regain d’intérêt parmi les catholiques mais je comprends aussi qu’elle  en déroute beaucoup par son vocabulaire ou sa présentation de Dieu. Les psaumes  ont sans doute besoin d’un minimum d’explication et de réflexion pour être, si j’ose dire, christianisés, pour être priés et relus à travers la vie , l’enseignement, la mort et la résurrection de Jésus qui  sont le sommet de la révélation du visage de notre Dieu.  Cette prière des psaumes et cependant très riche et surtout très proche de nous, on y trouve tous les sentiments et toutes les situations humaines, c’est une prière pour tous les instants de la vie : prière d’admiration et d’action de grâce, prière de demande ou cri de révolte devant la souffrance et l’injustice, prière de l’exilé et du déporté, prière de tous les âges et pour tous les âges : « vieilli, chargé d’années , ô Dieu ne m’abandonne pas, que j’annonce aux  âges à venir ta puissance et ta justice… » (PS 71)

C’est dans cette grande tradition que se situe la prière de Jésus, mais elle devait avoir quelque chose  de particulier, de si attirant qu’un jour ses disciples osent lui demander : «  Seigneur, apprends nous à prier »

Apprends- nous à prier comme toi. « Eh bien, quand vous priez, dites  abba, papa, notre père…. » Ce n’est pas une prière d’esclave, de serviteur, de quémandeur, de casse pieds, c’est une prière confiante, une prière de fils et de filles qui se savent aimer, c’est une relation avec quelqu’un qui nous aime et que l’on aime. Ce n’est pas en nous diminuant, en nous humiliant, en nous ployant ou nous trainant devant Dieu que nous allons le grandir mais en accueillant son amour qui fait de nous des partenaires de cette alliance qu’il ne cesse de nous proposer. Quelle que soit notre forme de prière, qu’elle soit personnelle ou communautaire, elle commence toujours par une prise de conscience de celui vers qui on vient, de celui qui nous attendait, elle commence par un temps d’écoute, de disponibilité car l’énorme  danger dans la prière est de n’écouter que nous même et nos préoccupations. N’avez-vous jamais expliqué à Dieu ce qu’il devrait faire et comment il devrait s’y prendre. Que ta volonté soit faite se transforme bien vite en : que ma volonté soit faite.

Ce temps d’écoute nous prépare à la relation simple et confiante d’Abraham qui dit sa préoccupation à Dieu. Il intercède pour les gens de Sodome mais en même temps c’est l’honneur de Dieu qu’il défend : «  Faire mourir le juste avec le pécheur, quelle horreur ! Celui qui juge toute la terre va-t-il rendre une sentence contraire à la justice ? »  S’agit-il ici d’amadouer Dieu ou pour Abraham de changer son regard sur Dieu ? Quel visage de Dieu donnons nous à voir dans notre prière ? Le visage d’un Dieu proche et aimant, d’un père ? Ou le visage d’un tyran brandissant les tables de la loi ?

Il y a  un point sur lequel je veux dire quelques mots : demandez cherchez, frappez…. Certains risquent de penser que dans la prière on va changer Dieu ou le cours des choses. Changer Dieu, qu’il fasse notre volonté,  est ce qu’on a bien conscience de l’énormité de la chose ? Dieu à notre botte, Dieu notre larbin, Dieu distributeur automatique où il suffit de glisser quelques  piécettes, pardon quelques prières. ! Si quelqu’un est à changer  c’est bien nous, notre façon de voir les choses, de les accepter. Alors oui nous avons besoin pour cela de prier, d’insister, de chercher, de frapper, nous avons besoin de fréquenter Dieu, d’être le plus proche possible, le plus intime possible pour nous convertir, pour nous ajuster sur lui, pour lui ressembler. Souvent il nous faut contempler le modèle pour que peu à peu son visage transparaisse dans nos vies, sur notre visage.

Dans une homélie du dimanche de la passion en 1615, François de Sales disait ceci : «  Jésus Christ nous fait dire : donnez nous notre pain quotidien, parce que dessous ce nom de pain, tous les biens temporels sont compris. Nous devons être grandement sobres à demander ces biens ci… C’est pourquoi ceux qui prient avec perfection demandent fort peu de ces biens mais demeurent devant Dieu comme des enfants devant leur père, mettant en lui toute leur confiance »

Alors comme les disciples ayons assez de simplicité et d’humilité pour dire : Seigneur apprends nous à prier ! A prier comme des chrétiens.

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