Évangile « On viendra de l’orient et de l’occident prendre place au festin dans le royaume de Dieu » (Lc 13, 22-30)

En ce temps-là, tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant. Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : ‘Seigneur, ouvre-nous’, il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes.’ Alors vous vous mettrez à dire : ‘Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.’ Il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.’ Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »

HOMELIE

«  Il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers » voilà une phrase bien énigmatique qui est passée dans le langage courant et sur laquelle on a fait allègrement toutes sortes de contresens. Pour la comprendre il faut nous replacer à l’époque où Luc met par écrit son évangile, autour des années 80. L’évangile a déjà quitté le monde juif  dépositaire de la première alliance, alliance qui ne lui était pas réservée mais dont il devait être le témoin et le messager pour toutes les nations. Voilà que des non juifs, ceux qu’on appelle les païens se font baptiser au nom du Christ, bientôt ils vont devenir majoritaires. Ces derniers venus prennent la place des premiers qui souvent déclinent l’offre de la nouvelle alliance en Christ. Ainsi de fait les derniers deviennent premiers et les premiers deviennent derniers. Mais aux uns et aux autres c’est bien la même offre qui est faite, c’est bien le même amour qui est proposé. Ceux qui se croyaient de la maison par naissance, par tradition découvrent que la place qu’ils dédaignent est prise par des nouveaux, venus de l’orient et de l’occident, du nord, et du midi, alors comment comprendre l’histoire de la porte étroite ? Ne s’agit-il pas de notre étroitesse face à l’amour universel de Dieu. On retrouve l’histoire des premiers qui se retrouvent dernier dans l’évangile de saint Matthieu, dans la parabole des ouvriers embauchés à la vigne à diverses heures de la journée, et qui le soir venu reçoivent le même salaire, c’est-à-dire l’amour de Dieu en plénitude : personne n’est lésé !  Nous devinons dans ces textes le grand problème qui agite les premières communautés où chrétiens d’origine juive cohabitent avec les chrétiens d’origine païenne qui n’ont pas du tout les mêmes traditions ou observances. On retrouve tout ça dans le livre des actes des apôtres qui relatent les premiers pas des communautés.

Ce passage d’évangile interpelle les catholiques de tradition ancienne que nous sommes. L’évangile est arrivé dans nos régions, au moins dans les centres,  il y a 1700 voir 1800 ans, au Burkina Faso par exemple, pays qui nous envoie des prêtres aujourd’hui, il y a tout juste 115 ans. N’aurions pas tendance  à penser nous aussi : Seigneur nous sommes des tiens depuis toujours, nous avons mangé et bu en ta présence, tu as enseigné sur nos places, n’avons pas droit à quelques privilèges avec tout ce qu’on a fait pour le bon Dieu, tout ce qu’on a fait pour l’Eglise… Ne pensons- nous pas parfois que nos prières, notre foi, notre charité nous donnent des droits, nous donnent une créance sur Dieu.

« Seigneur n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? » On a du mal à comprendre et admettre l’étendu et la puissance de l’amour de Dieu. On est toujours tenté d’y mettre des conditions, des limites. Suivant les époques et l’idéologie dominante on a allègrement exclu telle ou telle catégorie : les suicidés, les divorcés, les concubins, les capitalistes, les communistes, les protestants, les non baptisés, etc etc, la liste pourrait être longue. Dans l’évangile, j’aime beaucoup cette parabole où les serviteurs se proposent de faire le tri entre le blé et les mauvaises herbes, mais heureusement le maitre se réserve de le faire au temps de la moisson. Oui il est réjouissant que Dieu se réserve le tri, il aura certainement d’autres critères que nos vues bien étroites.

Il y a place pour tous au festin du royaume de Dieu.

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