Veilleur où en est la nuit ?
Petit traité de l’espérance à l’usage des contemporains.

L’auteur est le frère Adrien Candard, dominicain au couvent du Caire. Il est né en 1982, il a écrit notamment le spectacle : «  Pierre et Mohamed » qui met en scène le dialogue d’amitié entre Pierre Claverie, évêque d’Oran et son chauffeur Mohamed, tout deux morts dans un attentat. Les dominicains du Caire dirigent l’IDEO,   l’institut dominicain des études orientales fondé en 1953 pour promouvoir le dialogue et la rencontre des cultures entre musulmans et chrétiens. C’est une équipe de chercheurs spécialisés dans le patrimoine arabe avec une bibliothèque de plus de 155.000 volumes ouverte aux savants du monde entier.
Ce livre, veilleur où en est la nuit, est le développement d’une conférence donnée à Lourdes le 9 octobre 2015 dans le cadre du pèlerinage du Rosaire.

Au Caire depuis un peu plus de 3 ans, il vit chacun de ses passages en France comme une douloureuse plongée dans un pays obsédé par son désespoir. On n’est pas plus malheureux en France qu’ailleurs ni plus heureux mais on est saturé de discours sur le désespoir. Nous vivons dans une morosité ambiante, une espèce de dépression collective, une spirale négative pas forcément sur le plan personnel mais sur le plan social. Alors dit-il, c’est peut-être le moment de  parler de l’espérance, vertu chrétienne dont on parle peu car on ne sait pas trop quoi en faire et qu’on se méfie des discours trop optimistes qui nous disent que demain tout ira mieux, ce qui est une profession de foi charmante mais parfaitement gratuite parce que par définition on n’en sait rien. Si on regarde l’histoire et tous les demains qui se sont succédés on risque bien d’en compter plus de catastrophiques que de demains qui chantent.  Si on est pessimiste on ne sera jamais déçu, on ne peut avoir que de bonnes surprises. Alors on est tenté de ranger l’espérance dans un coin de sacristie, on a déjà assez à faire avec la foi et la charité pour remplir un programme de vie chrétienne. C’est peut-être pour ça que l’espérance nous est plus que jamais nécessaire. Mais cela suppose de la comprendre, de comprendre d’abord qu’il ne s’agit pas du tout d’un optimisme béat qui refuse de voir la réalité et qui justement nous rend méfiant.

Adrien Candiard  nous propose de prendre un peu de distance avec notre actualité déprimante et de remonter quelques années plus tôt, plus précisément en 587 avant Jésus Christ.
Nous sommes à Jérusalem, capitale du petit royaume de Juda après le démantèlement du grand royaume de Salomon. Royaume qui a dû se soumettre à l’Egypte, à l’Assyrie puis à Babylone qui 10 ans plus tôt a ravagé le pays, pillé le temple et emmené en déportation le roi et ses proches. Certains se souviennent de la grandeur passée, de l’alliance avec Dieu, de la sortie d’Egypte, alors disent-ils, il faut avoir foi, prenons les armes pour retrouver notre indépendance, puisque Dieu est avec nous tout ira bien. Et Dieu sera bien obligé d’intervenir sinon tout son travail d’alliance depuis Abraham sera réduit à néant. Les chefs de la révolte comptent sur Dieu. On serait tenté de les prendre pour des modèles d’espérance mais sans doute aussi d’inconscience. Ils espéraient contre toute espérance, n’est-ce pas ce à quoi nous invite notre bonne vieille vertu d’espérance ?

Ce n’est pas  ce que pense alors un habitant de Jérusalem, le prophète Jérémie qui avertit qu’à écouter les prophéties optimismes qui appellent à la résistance on se berce d’illusions et on se prépare à des lendemains difficiles. Il est arrêté comme défaitiste qui  porte atteinte au moral du peuple et prêche la soumission. Mais dit-il, avoir foi en Dieu ce n’est pas vivre dans un monde enchanté où Dieu règlerait tous nos problèmes ; c’est d’abords regarder le monde  en face, le mal en face. La foi de Jérémie ne le pousse pas à l’optimisme mais au réalisme le plus froid. Et ce pessimisme n’a qu’une excuse, c’est qu’il a raison, ce qu’il annonce va arriver. Après un siège terrible où les gens meurent de faim au point que les femmes dévorent leurs propres enfants, la ville est rasée  et les habitants rescapés sont déportés Babylone.  Et pourtant dans les jours d’angoisse du siège de la ville, emprisonné et menacé de mort, Jérémie se met à écrire des folies. Lui, si réaliste sur les impasses de la révolte, annonce que Dieu va tout recréer à partir de rien. Et là encore il aura raison, Dieu n’a pas oublié ni renié son alliance, il va l’accomplir en Jésus plus incroyablement qu’on l’avait imaginé. Il n’a pas besoin pour cela de ce qui semblait nécessaire à vue humaine : un roi, une terre, un temple. Car ce n’est pas tout d’espérer : il faut espérer en Dieu et n’espérer qu’en lui. Ceux qui comptent sur des réalités autres : les alliances étrangères, la politique, la résistance armée, même au nom de Dieu, même fondées sur Dieu, s’y sont cassés les dents.
Cette histoire bien lointaine est celle qu’on peut lire tous les matins dans les journaux. Jérémie peut-être un véritable maitre d’espérance, alors que son nom est attaché à la plainte geignarde des jérémiades. C’est un maitre qui nous apprend que l’espérance n’est pas ce que l’on croit souvent, une espèce d’optimisme béat qui refuse de voir les difficultés.  Jérémie semble le maitre de l’espérance dont notre temps a besoin.

Après cette introduction, le frère Candiard va diviser son propos en 2 chapitres : le premier, «  espérance et faux espoirs » où il fait le tour de ce en quoi notre société avait mis son espérance, comme les contemporains du prophète ; mais le tout s’étant révélé de faux espoirs provoque la morosité ambiante que nous vivons.  Comme le prophète, il nous faut d’abord regarder en face les difficultés.
Il cite d’abord le père Carré qui il y a 60 ans interpelait les chrétiens en écrivant : «  Vivant dans un monde malheureux nous devons être à ses yeux les professionnels de l’espérance » Si là est notre rôle nous devons bien reconnaitre que nous sommes d’assez mauvais professionnels. A part quelques grandes figures, nous serions encore plus  pauvres en espérance que nos compatriotes. Nous vivons dans un monde qui change de plus en plus vite sans en voir clairement le sens. On s’interroge  sur notre identité : quand on en est à se demander qui on est, c’est que la crise est bien avancée. Nous vivons dans un monde multiculturel  qui nous bouscule. Et même au sein des familles quels grands parents peuvent se vanter de comprendre encore leurs petits enfants ? Transmettre sa propre culture au sein de sa propre famille parait une mission impossible même si ce n’est pas nouveau que les générations se comprennent mal, que les jeunes estiment leurs aînés dépassés mais cela n’a jamais été aussi vrai. La technologie, les cadres moraux, les modes changent à toute vitesse, alors qu’est-ce qu’on peut  transmettre quand on se sent dépassés.  A cela s’ajoute l’explosion de la violence après des décennies de paix que l’on croyait définitive. On se rend compte que rien n’est jamais acquis. On voudrait bien expliquer l’inexplicable pour le rendre plus supportable. Même des explications aberrantes sont préférables à l’absence d’explication. Nos ancêtres expliquaient les calamités par le péché. Combien de nos contemporains sont prêts à  écouter les explications les plus farfelues, combien en face d’une maladie, d’un malheur se demande ce qu’ils ont pu faire pour mériter cela.
Les changements rapides ne sont pas seulement incompréhensibles, ils sont destructeurs des explications qui nous permettaient de comprendre le monde. Tout au long du 19° et 20° siècle le monde changeait profondément mais c’était pour s’améliorer. Aujourd’hui devant le réchauffement climatique, le progrès ce n’est plus s’améliorer mais éviter que les choses empirent, s’abstenir de trop dégrader la planète. Le progrès donnait un sens et un espoir, aujourd’hui nous sommes privés de l’un et de l’autre. Ca c’est le malaise général mais il y a un malaise spécifique aux chrétiens.
«  Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous » demande l’apôtre Pierre ( 1P 3/15) mais pour donner de l’espérance au monde, il faudrait en avoir en stock !

Chez nous la foi se porte mal, L’Eglise est en recul. Même si nous avons encore des communautés dynamiques, il nous faut bien regarder les statistiques. La plus spectaculaire  est l’effondrement des vocations. En 20 ans le nombre de prêtres a été divisé par deux : 30.000 en 1995, 15.000 en 2015. Et encore, il ne faut pas regarder les têtes. Des évolutions comme la catéchèse, la célébration des funérailles par des laïcs sont légitimes et souhaitables mais elles n’interviennent que sous la pression de la rareté des prêtres. Le curé du village a été une figure familière aux Français pendant des siècles, en une génération  la plupart de nos concitoyens n’en connait plus et n’en rencontre jamais.
D’autres reculs sont aussi spectaculaires. La pratique religieuse, longtemps majoritaire, ne concerne plus que 5% des français. Le catéchisme est devenu l’exception. 32% d’une classe d’âge était encore baptisée en 2013 contre 50% en 2.000.
Les vacances d’hiver et de printemps ont remplacé les vacances de Noël et de Pâques. A Toussaint on fête aloïne, etc… La polémique autour des crèches dans les lieux publics est nouvelle  …
Pourtant cette perte de l’influence de la foi chrétienne se double d’un retour spectaculaire des questions religieuses, notamment avec l’islam, deuxième religion de France. « Après deux siècles de chamailleries plus ou moins violentes, plus ou moins folkloriques avec l’Eglise catholique, la laïcité n’a plus d’autre défi que l’islam et les catholiques se retrouvent surpris de ne plus effrayer personne. Don Camillo n’intéresse plus Pepone, préoccupé tout entier par l’imam du village » 39.
On note que certains non croyants viennent à la rescousse pour défendre l’identité chrétienne de la France. Faut-il s’en réjouir quand on soupçonne que c’est moins par sympathie pour la foi chrétienne que par antipathie de l’islam. Ils nous instrumentalisent et pire ils transforment le christianisme en arme de guerre. Dans cette opération de vouloir réaffirmer les valeurs chrétiennes face à l’islam, le risque est grand que les dites valeurs qu’on veut réaffirmer n’aient plus grand-chose de chrétien.
Il existe une douleur plus intime pour beaucoup de croyants  c’est le sentiment d’avoir échoué dans la transmission de leur foi aux générations suivantes. Nous qui avons plus de 60 ans, nous sommes nés dans un pays chrétiens et nous mourons  dans un pays largement incroyant.  Alors une tentation serait de créer des arches de Noé pour s’y réfugier et vivre entre nous, créer des forteresses.

« Les murailles qui avaient trop longtemps enfermé l’Eglise comme dans une citadelle sont abattues, le temps est venu d’annoncer l’évangile de façon renouvelée. Etape nouvelle pour l’évangélisation de toujours »  ( le visage de la miséricorde §4)
Au terme de ce  chapitre comment voir un signe de l’action de Dieu, à moins que l’on ne commence à écouter la leçon d’espérance du prophète Jérémie. Nous sommes mûrs pour l’espérance si nous avons commencé par regarder le désespoir en face. Notre premier devoir de veilleur c’est de regarder la nuit comme elle est.  Pour espérer en Dieu il faut accepter de quitter toutes les autres espérances. L’espérance chrétienne ne réclame pas de l’optimisme mais du courage. Pour espérer il faut accepter de renoncer à l’illusion et à tous les faux espoirs. «  Maudit soit celui qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair » répète Jérémie. La seule promesse que Dieu lui ait faite ce n’est pas le triomphe ou la réussite  mais c’est la promesse de sa présence. On espère pas dans le passé on espère dans l’avenir, il ne suffit donc pas de revenir en arrière, de rembobiner le film pour résoudre les problèmes. Rien n’est moins chrétien que de serrer dans ses bras le cadavre de la vieille chrétienté. Jérusalem est tombé et il nous faut en faire le deuil, ne perdons pas notre temps à nous lamenter. Dieu nous a voulu ici en ce moment déroutant où notre misère force son amour à se manifester avec plus de force.

Après ce regard lucide et décapant sur la réalité, Adrien Candiard nous propose un deuxième chapitre qu’il intitule : «  espérer pour la vie éternelle. »

Le regard posé dans le  premier chapitre est assez éprouvant en dénonçant tous les faux espoirs auxquels nous voudrions nous accrocher mais cette purification radicale nous indique ce que nous pouvons espérer. Dieu ne promet pas à Jérémie de le tirer d’affaire mais d’être avec lui. « Je serai avec toi » n’a rien à voir avec le réconfort que les enfants trouvent dans la présence d’un ami imaginaire. Cette espérance a un coût exorbitant : elle exige de renoncer à toutes les consolations imaginaires dont nos vies sont remplies : imaginer que l’avenir sera meilleur, se consoler grâce à des souvenirs agréables du passé, autant de compensations décevantes qui ne s’accordent jamais avec la réalité. Ca n’a rien à voir non plus avec le renoncement chrétien qu’on a pu nous présenter sous des aspects doloristes, mais c’est le renoncement à tous les soutiens imaginaires, ces béquilles illusoires. Dieu n’existe que dans le monde réel, il n’est ni d’hier ni de demain ni d’ailleurs, il ne se rencontre que dans la vraie vie, le vrai monde, le même monde que celui où l’on rencontre le chômage de masse et le terrorisme. L’espérance chrétienne espère nécessairement contre toute espérance, c’est-à-dire contre tous les faux espoirs qui voudraient nous protéger d’une rencontre rugueuse avec le monde réel où Dieu nous attend. Comment pourrait-il nous sauver si nous sommes ailleurs ? C’est ce qui explique pourquoi l’auteur à passer tant de temps à montrer ce que l’espérance n’était pas. Refuser tous les faux espoirs c’est déjà un acte d’espérance. N’attendre son salut que de Dieu, c’est déjà le recevoir. Dépouiller un peu brutalement de tous les faux espoirs, les fausses sécurités, nous voilà donc acculé à n’espérer qu’en Dieu, une espérance en Dieu qui ne peut pas se figurer. Les images populaires et naïves du paradis n’ont réussi qu’à le ridiculiser. (Ne ridiculisons pas la religion les chrétiens s’en chargent, disait quelqu’un) L’espérance chrétienne ne peut pas se confondre avec ces anticipations sympathiques qui ne disent rien de Dieu. Il est là où on ne l’attend pas, il surprend, il dérange et il comble toujours de façon inattendue. Dieu est libre de toutes les définitions qu’on peut en faire. L’espérance chrétienne n’est pas une attente, elle est un don. Dieu n’est pas à venir ni à attendre, il est déjà donné et la seule difficulté consiste à accepter ce don. On connait Dieu comme on peut connaitre un ami dont on n’a jamais fait le tour, plus nous le connaissons plus nous prenons conscience de sa part de mystère. Nous n’espérons en Dieu que parce que nous le possédons déjà. Saint Augustin dit que : « le bonheur c’est de continuer à espérer ce qu’on possède déjà »
Foi, charité, espérance les trois vertus théologales

 

Par la foi nous  possédons Dieu comme vérité, par la charité nous le possédons comme bien, l’espérance nous le fait posséder comme salut, ce qu’on appelle plus communément la vie éternelle. On n’ose plus trop en parler de la vie éternelle parce que pendant des siècles on a tellement raconté d’histoires  et l’Eglise s’est trop intéressée  à la vie après la mort dont on ne peut rien dire et pas assez à ce monde là.  On a tout renvoyé à plus tard oubliant de nous occuper de ce monde qui a pourtant bien besoin de notre engagement.
Quand on parle de salut, de vie éternelle on ne parle pas seulement de vie après la mort car justement si elle est éternelle elle n’est pas dans le déroulement du temps, elle est de tout le temps. La vie éternelle commence maintenant. Espérer c’est donc croire que Dieu nous rend capable de poser des actes éternels. Et ces actes éternels sont les actes d’amour qui dans notre monde construisent déjà l’éternité, ou ce qu’on appelle le royaume de Dieu. Cela nous oblige à renoncer à cette vision courante mais infantilisante de la vie éternelle comme récompense. Une vie à venir pleine de douceur pour nous faire supporter avec patience une vie présente de sacrifices et de souffrances.
Espérer c’est vivre en préférant l’éternel au reste, en préférant le point de vue de l’amour. Préparer un gâteau pour une voisine isolée construit bien plus d’éternité que son poids de farine, d’œufs et de sucre nous le laisserait croire. La vie éternelle n’est donc pas une manière de s’évader, comme on a pu et peut le reprocher aux chrétiens, c’est très concrètement prendre notre monde au sérieux en le regardant pour ce qu’il est et en donnant à chacun de ses éléments sa juste place.
« Si vous êtes en dévotion devant le saint sacrement pour dire 3 pater en l’honneur de la sainte trinité et que l’on vous appelle pour faire autre chose, il faudrait vous lever promptement et aller faire cette action en l’honneur de la sainte trinité au lieu de vos trois pater » st François de Sales 10° entretiens aux religieuses de la visitation.
C’est  à Lourdes que  le frère Christian  Candiard  a donné cette conférence, Lourdes où, dit-il, se construit cette éternité sans bruit, là où les malades, les handicapés de toutes sortes sont au centre des préoccupations, entourés et servis par tant de personnes qui sont là bénévolement pour un temps.
Espérer c’est croire l’amour est plus fort que tout le reste. Saint Paul dit qu’il ne passera jamais. Quand le monde qui nous entoure nous fait peur l’espérance chrétienne nous demande de faire de tout cela une occasion pour aimer davantage. C’est reproduire le miracle de Cana : changer l’eau de la vie ordinaire en vin de la vie éternelle. Et cela dans les petites choses de la vie, ce qui nous permettra de le faire dans les événements plus importants.

Regardons la croix, c’est un instrument de supplice pas de salut. Ce n’est pas la croix qui sauve mais la manière dont Jésus a vécu le supplice. Il a fait de la croix le lieu du plus grand amour Il n’a pas ressassé son statut de victime  ni le mal qu’on lui faisait, il a choisi le pardon universel et sans le vouloir la croix est devenue l’instrument du salut. La vie éternelle, c’est donner sa vie, ça ne veut pas dire mourir  mais être disponible pour un service, une rencontre, un  sourire. Donner sa vie ce n’est pas la perdre mais la gagner en la vivant pleinement.

Les chrétiens sont tous d’accord là-dessus mais la difficulté c’est de passer aux actes. Convertissez vous dit Jésus. Une conversion c’est un retournement, remettre les choses à l’endroit, renverser notre manière de voir le monde, renverser la logique du monde, ses valeurs de succès et de réussite. C’est complètement fou, on marche sur la tête. Mais c’est en sortant de nos logiques d’égoïsme et de sécurité qu’on voit le monde tel qu’il est, c’est-à-dire comme Dieu l’a voulu.

Il est un lieu pour apprendre à regarder le monde tel que Dieu le veut : l’eucharistie où nous venons pour recevoir, car il n’y a pas d’autre manière d’apprendre à donner sa vie que de commencer par recevoir. Dieu donne en espérant que cela finira par déborder de nos mains, de nos poches  et que nous nous mettrons aussi à partager et vivre avec les autres cette joie que nous ne cessons de recevoir.
« Aimez- vous les uns les autres comme je vous ai aimés »Ca ne veut pas dire que l’amour du Christ nous est donné en exemple et qu’il faut l’imiter, ça veut dire aimez vous les uns les autres avec l’amour dont je vous ai aimés, avec l’amour dont je ne cesse de vous aimer.

Notre Jérusalem est tombé, mais ce n’est pas la première fois dans l’histoire de l’Eglise d’occident. En 410 les Wisigoths entrent dans Rome. Les chrétiens comme les autres sont désemparés. Tout est foutu. C’était le moment de relire le livre de Jérémie. Ce qu’ont fait les premières communautés monastiques qui dans la débandade générale garde l’espérance.  Elles ne cherchent pas à lutter contre le monde qui les entoure, elles ne cherchent pas à bâtir des îlots ou des fortins mais à vivre la présence de Dieu, à proposer au monde le salut, la vie éternelle. Conscients d’être des sentinelles, elles pouvaient regarder la nuit sans effroi, parce qu’elles avaient au fond d’elles-mêmes assez de lumière pour ne pas douter de l’existence du matin.

Veilleur où en est la nuit ? Souvent le monde nous pose la même question. Il interroge notre espérance, il n’attend pas de nous des discours lénifiants, des théories rassurantes qui prouvent que demain tout ira mieux, il attend que nous vivions dans l’espérance, c’est-à-dire que nous vivions pour l’éternité, que nous vivions pour ce qui compte vraiment et ne passera jamais.

« Vivant dans un monde malheureux, nous devons être à ses yeux les professionnels de l’espérance » disait le Père Ambroise Marie Carré.

Si nous ne sommes pas des professionnels, soyons au moins de bons amateurs, en nous souvenant que le mot amateur, en latin, signifie : celui qui aime.

Père Emile ALLARD

 

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