Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout esprit.

Voilà le grand, le premier commandement.

Et voici le second, QUI LUI EST SEMBLABLE : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Tout ce qu’il y a dans l’Ecriture – dans la Loi et les Prophètes- dépend de ces deux commandements.

(Mt 22, 34-40)

Aimer Dieu de tout son cœur de toute son âme et de tout son esprit revient donc à aimer son prochain, comme soi-même.

Comme soi-même ? Alors, c’est bon ? je dois d’abord m’aimer avant d’aimer les autres ? Si mon prochain ne m’aime pas, me fait mal, ne suis-je pas quitte avec lui ? Ne dois-je pas songer à moi aussi ? M’est-il prescrit de m’aimer également ?

Dois-je aimer uniquement de la manière dont les autres m’aiment ?

Dois-je adapter mon amour de l’autre à la manière dont il m’aime ?

Peut-on seulement devoir aimer ? Aimer est un devoir ?

La nature dicte à tous les êtres vivants de s’accorder priorité, chacun tend donc à préserver son être et à le défendre de l’agressivité. La loi du talion « œil pour œil dent pour dent », est spontanée, naturelle et évidente. Il est plus facile de commettre l’injustice plutôt que de la subir. Mais si nous ne voulons pas finir tous borgnes et édentés, comme disait Ghandi il est donc nécessaire de contenir ce que nous dicte la nature.

D’accord pour contenir la violence en nous, mais est-ce suffisant pour appeler ça de l’amour ?

Comme la nature est bien faite nous sommes naturellement dotés de sympathie les uns avec les autres, d’empathie avec les uns les autres, donc en dehors de la nécessité de survie pour la plupart d’entre nous sommes enclins à faire un sourire à l’autre à nous MONTRER bienveillant envers l’autre dans la mesure où notre être n’est pas trop engagé bien sûr.

Mais est-ce vraiment de l’amour ?

La grande différence entre bienfaisance et bienveillance est la SINCERITE et le désintéressement. Cette bienveillance du cœur autrement nommée charité par les chrétiens est universelle parce qu’authentique et sincère.

Elle est universelle, car ce n’est pas seulement le riche qui donne au pauvre : tous peuvent la donner et la recevoir.

Elle est concrète, on ne peut plus concrète : il s’agit de regarder l’autre ou la situation avec un regard d’excuse, de bienveillance, de compréhension, de pardon c’est-à-dire exactement comme nous espérons que Dieu nous regarde. Alors les faiblesses et les limites de l’autre qui sont d’ailleurs les mêmes que les nôtres tombent et l’autre apparait comme par miracle pour ce qu’il est en réalité et en vérité, c’est-à-dire prêt à être aimé sans conditions.

Ce que nous appelons la nature humaine ne nous rend pas plus vivant bien au contraire. D’ailleurs, aimer l’autre est un devoir et puisque cela nous est commandé cela n’est pas naturel, et c’est ce devoir qui nous rend vivant. C’est ce devoir qui est universel et éternel.

Or si, en termes d’amour, nous avons en tête l’amour humain, ses émotions et ses passions, alors cela ne fonctionne pas. Cela ne se commande pas, les émotions ne se commandent pas.

Il s’agit donc d’une forme d’amour particulière, inatteignable à notre nature, universelle et éternelle qui nécessite un dépassement.

La Bible dans son intégralité, c’est la priorité de l’autre par rapport à moi.

Le philosophe Emmanuel LEVINAS suggère la lecture du commandement de la manière suivante :

« Tu aimeras ton prochain c’est toi-même, c’est cet amour du prochain qui est toi-même »

Ce qui voudrait dire que pour être véritablement humain, il est impératif que l’amour que j’apporte à l’autre soit totalement désintéressé, privé de réciprocité même si cela peut me faire mal.

C’est donc à travers l’amour que je porte à l’autre que trouverai qui je suis vraiment.

Cela vaut-il le coup de s’abandonner ?

Mais l’amour, n’existe que pour l’autre.

Si l’autre n’existait pas, il ne pourrait pas y avoir d’amour. Il n’y en aurait pas besoin.

Si l’autre n’existait pas, je serais…mort.

« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé »

Nous sommes réunis ici, pour faire le plein. Car tout l’amour de notre cœur ne suffit pas à aimer comme le Christ, c’est d’ailleurs impossible, mais sa source d’amour est présente, abondante et éternelle. Pour faire le plein de l’amour de Dieu présent dans ce sacrifice parfait, preuve réelle et concrète de l’amour de Dieu, qu’est l’eucharistie. Un amour surnaturel, mais éternel. Le Christ est le Royaume, il est la vie éternelle c’est-à-dire ce qui compte vraiment et ne passera jamais.

« Aimer un être, c’est dire : toi, tu ne mourras pas. Mais quel peut être le sens exact de la portée d’une telle affirmation ? Elle ne se réduit sûrement pas à un vœu, à un optatif, elle présente bien plutôt le caractère d’une assurance prophétique… Qui pourrait se formuler exactement comme suit : quels que soient les changements survenus dans ce que j’ai sous les yeux, toi et moi, nous resterons ensemble ; l’événement qui est survenu et qui est de l’ordre de l’accident, ne peut rendre caduque la promesse d’éternité incluse dans notre amour… »
Gabriel MARCEL (Le Mystère de l’Être, tome II, Foi et réalité, Paris, Aubier, 1981, p. 154-155)

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