Laudato Si – Loué sois-tu !
Texte proposé par le Père Emile Allard

(Encyclique du pape François, publiée le 24 mai 2015)

En publiant cette encyclique, le pape François nous invite à une réflexion complète et profonde. Il veut nous faire découvrir les racines de l’écologie qui engagent une réflexion sur notre mode de vie et nos habitudes de consommation.

Je ne présente ici que le chapitre 2 intitulé : « L’évangile de la création » (= la bonne nouvelle de la création) où le pape François nous donne les fondements bibliques de l’écologie.
Au § 64, il écrit : «  Si le seul fait d’être humain pousse les personnes à prendre soin de l’environnement dont elles font parties, les chrétiens notamment savent que leurs devoirs à l’intérieur de la création et leurs devoirs à l’égard de la nature et du créateur font partie intégrante de la foi. Donc c’est un bien pour l’humanité et le monde que nous les croyants, nous reconnaissions mieux les engagements écologiques qui jaillissent de nos convictions ».

Il est important de nous reporter à ce que disent les grands  récits bibliques sur la création et sur la relation entre l’humain et le monde. Il nous faut relire les récits de la création au livre de la genèse ( 1/1à 2/4). C’est la première alliance entre Dieu et la création, entre Dieu et l’humanité, texte que nous lisons en première lecture au cours de la veillée pascale. Ce récit du 6° siècle avant Jésus-Christ est une vision optimiste de la création « Dieu vit que cela était bon » et même après la création de l’homme « Dieu vit que cela était très bon ». « Il créa l’homme à son image, homme et femme il les créa » « Donc, dit le § 65, ceux qui s’engagent dans la défense de la dignité des personnes  peuvent trouver dans la foi chrétienne les arguments les plus profonds pour cet engagement. Quelle merveilleuse certitude de savoir que la vie de toute personne ne se perd pas dans un chaos désespérant, dans un monde gouverné par le pur hasard….Avant de te former au ventre de ta mère, je t’ai connu-Jr 1/5 »    Si l’homme est le sommet de la création c’est pour la protéger et la mettre au service de tous. « Je vous donne toutes les herbes…ce sera votre nourriture ainsi qu’à toutes les bêtes sauvages et tout ce qui est animé de vie »  Nous notons que l’homme comme les animaux sont végétariens. Aussi quand les prophètes vont parler de la venue du messie, ils la décriront comme le retour à l’état primitif d’avant le péché qui a brisé l’harmonie entre l’homme et la nature, entre l’homme et l’homme. «  le loup habite avec l’agneau, la panthère se couche près du chevreau, veau et lionceaux paissent ensemble sous la conduite d’un petit garçon. La vache et l’ours lient amitié, leurs petits gitent ensemble. Le lion mange de la paille comme le bœuf. Le nourrisson s’amuse sur le trou du cobra, sur le repaire de la vipère l’enfant met la main » Isaïe 11/5-8.

65.Dans leur langage symbolique, les récits de la création « suggèrent que l’existence humaine repose sur trois relations fondamentales et intimement liées : la relation avec Dieu, avec le prochain et avec la terre… L’harmonie entre le créateur, l’humanité et l’ensemble de la création a été détruite par le fait d’avoir prétendu prendre la place de Dieu en refusant de nous reconnaitre comme des créatures limitées. »  « Dieu sait que le jour où vous en mangerez vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux » gn3/5. Voilà le péché : vouloir être Dieu, ne pas accepter notre condition de créature limitée.  «  Le péché se manifeste aujourd’hui avec toute sa force de destruction dans les guerres, sous diverses formes de violence et de maltraitance, dans l’abandon des plus fragiles, dans les agressions contre la nature »

  1. «  Nous ne sommes pas Dieu. La terre nous précède et nous a été donnée » Nous avons pu mal interpréter : dominer la terre. Ce n’est pas l’exploiter de façon sauvage et déstructurée. «  Le seigneur prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » gn 2/15- «  Cultiver, cela signifie labourer, défricher ou travailler, garder signifie protéger, sauvegarder, préserver, soigner. Cela implique une relation de réciprocité responsable entre l’être humain et la nature. Chaque communauté peut prélever de la bonté de la terre ce qui lui est nécessaire pour survivre, mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder et de garantir la continuité pour les générations futures….Pour cette raison, Dieu dénie toute prétention de propriété absolue »

68 .C’est pour cette raison que la bible donne des normes pour les relations avec ses semblables et avec les êtres vivants. Par exemple le repos du 7° jour n’est pas proposé seulement à l’être humain mais « afin que se reposent ton âne et ton bœuf » Ex.23/12 .
La bible n’est pas despotiquement  anthropocentriste, elle ne se désintéresse pas des autres créatures.

  1. Outre le sabbat chaque semaine, il y a l’année sabbatique, tous les 7ans, où l’on ne semait ni ne moissonnait pour le repos de la terre. On ne récoltait que l’indispensable pour la subsistance et pour l’hospitalité. Et tout les 7 fois 7 ans c’était l’année jubilaire, l’année du grand pardon universel et de la redistribution des terres. La veuve, l’orphelin et l’étranger, c’est-à-dire les sans droit, doivent avoir leur place. « Vous ne moissonnerez pas jusqu’au bout du champ. Tu ne glaneras pas la moisson, tu ne grappilleras pas ta vigne et tu ne ramasseras pas les fruits tombés de ton verger. Tu les abandonneras aux pauvres et aux étrangers » Lv19/9-10.
  2. En citant deux récits, celui de Caïn, « qu’as-tu fait de ton frère ? » et celui de Noé, deux récits symboliques, le pape souligne que tout est lié, et la protection de notre propre vie comme nos relations avec la nature, est inséparable de la fraternité, de la justice ainsi que de la fidélité aux autres.

72-73- 74- 76.  Les psaumes nous invitent à louer le Dieu créateur comme par exemple le psaume 148 : « Louez le Seigneur depuis les cieux…Louez le soleil et lune et tous les astres de lumière….Rois de la terre et tous les peuples… » Le Dieu qui libère et sauve est le même qui a créé l’univers. L’injustice n’est pas invincible. La meilleure façon de mettre l’être humain à sa place et de mettre fin à ses prétentions de dominateur absolu de la terre c’est de proposer la figure d’un Dieu créateur et unique maitre du monde.

77-78-79. Si Dieu est créateur, le monde est issu d’une décision et non pas du chaos ou du hasard ; ce qui lui donne plus de valeur. Mais en même temps, la pensée judéo-chrétienne démystifie la nature et le mythe du progrès matériel sans limite. « La liberté humaine peut apporter son apport intelligent à une évolution positive mais elle peut aussi être à l’origine de nouveaux maux, de nouvelles souffrances, de vrais reculs… Voilà pourquoi l’action de l’Eglise ne tente pas seulement de rappeler le devoir de prendre soin de la nature mais en même temps elle doit aussi surtout protéger l’homme de sa propre destruction »

81-82-83. A partir des récits bibliques l’être humain est considéré comme un  sujet qui ne peut jamais être réduit à un objet. Les autres êtres vivants ne doivent pas non plus être considérés comme de purs objets soumis à la domination de l’arbitraire humain. « Quand on propose une vision de la nature uniquement comme objet de profits et d’intérêts, cela a de grave conséquence sur la société. La vision qui consolide l’arbitraire du plus fort a favorisé d’immenses inégalités, injustices et violences pour la plus grande part de l’humanité parce que les ressources finissent par appartenir au premier qui arrive ou qui a le plus de pouvoir. » L’aboutissement de la marche de l’univers se trouve dans la plénitude de Dieu. Toutes les créatures avancent avec nous jusqu’au terme commun qui est Dieu.

84-85-86-87. Chaque créature a une fonction, aucune n’est superflue. Tout l’univers matériel est un langage de l’amour de Dieu, de sa tendresse démesurée envers nous….Tout est caresse de Dieu. Dieu a écrit un beau livre dont les lettres sont représentées par la multitude des créatures. Leur innombrable diversité signifie qu’aucune ne se suffit à elle –même, cette interdépendance des créatures est voulue par Dieu. A coté de la révélation contenue dans les écritures, il y a une manifestation divine dans le soleil qui brille comme dans la nuit qui tombe. Saint François d’Assise le chante dans son cantique des créatures.   Pour autant il ne faut pas déifier la création, il y a une distance infinie entre la  nature et le créateur.

  1. Tous les êtres vivants ne sont pas égaux et l’être humain a une valeur particulière. « Parfois on observe une obsession pour nier toute prééminence à la personne humaine et il se mène une lutte en faveur d’autres espèces que nous n’engageons pas pour défendre l’égale dignité entre les êtres humains….Les énormes inégalités qui existent entre nous devraient nous exaspérer parce que nous continuons à tolérer que les uns se considèrent plus dignes que les autres. Nous ne nous rendons plus compte que certains croupissent dans une misère dégradante….alors que d’autres ne savent pas quoi faire de ce qu’ils possèdent…. En pratique nous continuons à admettre que les uns sont plus humains que les autres.
  2. La vraie définition de l’écologie : « Le sentiment d’union intime avec les autres êtres de la nature ne peut pas être réel si en même temps, il n’y a pas dans le cœur de la tendresse, de la compassion et de la préoccupation pour les autres êtres humains…il faut donc une préoccupation pour l’environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains et à un engagement constant pour les problèmes de la société. »
  3. Tout le monde est d’accord pour dire que la terre est un héritage commun dont les fruits doivent bénéficier à tous ; et pour le croyant c’est une question de fidélité au créateur. Toute approche écologique doit incorporer une perspective sociale qui prennent en compte les droits fondamentaux des plus défavorisés…..La tradition chrétienne n’a jamais reconnu comme absolu ou intouchable le droit à la propriété privée. Dieu a donné la terre au genre humain pour qu’elle fasse vivre tous ses membres sans exclure ni privilégier personne.
  4. Que signifie le commandement : tu ne tueras pas quand 20% de la population mondiale consomme les ressources de telle manière qu’ils volent aux nations pauvres et aux futures générations ce dont elles ont besoin pour vivre. Le regard de Jésus dur la nature et les personnes est bien loin de celui des philosophes qui dépréciaient le corps, la matière et les choses de ce monde : dualisme malsain qui a influencé certains penseurs chrétiens et défiguré l’évangile
  5. Depuis la résurrection les créatures de ce monde ne se présentent plus comme une réalité purement naturelle parce que le ressuscité les enveloppe mystérieusement et les oriente vers un destin en plénitude. Même les fleurs des champs et les oiseaux qu’il a contemplé avec ses yeux humains, sont maintenant emplis de sa présence lumineuse.

Père Emile Allard

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