Homélie du dimanche 30 juin 2024, 13e dimanche du Temps ordinaire, année B. 

Messe célébrée par le Père Patrick Gaso, église Notre-Dame, Aix-les-Bains.

Évangile selon saint Marc 5, 21-43. Livre de la Sagesse 1, 13-15. 2, 23-24. Psaume 29.  

2e lettre de saint Paul aux Corinthiens 8, 7-9. 13-15. 

 

Comme je vous le disais en introduction tout à l’heure, j’ai célébré la messe hier soir à Chambéry et je suis heureux, ce matin, d’être avec vous à Aix-les-Bains. Hier soir, à l’issue de la messe, certaines personnes m’ont exprimé leur incompréhension par rapport aux textes de ce jour. Alors, permettez-moi une homélie d’un style un peu différent pour relire, ensemble, un évangile assez particulier ! L’épisode de ce jour est relaté dans les trois Évangiles synoptiques – Marc, Matthieu et Luc – et c’est dans cette version de saint Marc que ce récit est le plus développé. 

Avant d’entrer dans ce récit, disons un mot sur les deux personnages principaux : 

  • Le chef de la synagogue, tout d’abord : il s’appelle Jaïre ; ce n’est pas un responsable spirituel comme pourrait l’être un rabbin, mais c’est tout de même un notable : sa maison spacieuse et ses nombreux domestiques témoignent de la place qu’il occupe dans la vie locale ;  

  • La femme malade ensuite dont nous ne connaissons pas le nom : à la différence de Jaïre, elle vit en marge de la société, parce que sa maladie l’a rendue impure ; il faut rappeler ici le contexte religieux de l’époque : la Torah stipule que lorsqu’une femme a des pertes de sang, elle devient automatiquement impure, et que quiconque a un contact avec une telle femme devient lui-même impur pour le restant de la journée ! De plus, le sang revêt un élément vital ! Perdre son sang, c’est la vie qui s’écoule et se perd ! Cela fait donc douze ans que cette femme est exclue de la vie religieuse, sociale et communautaire à cause de sa maladie. Pour mettre fin à son exclusion, cette femme a cherché à se faire soigner auprès de tous les médecins et charlatans qu’elle est allée voir ; mais tous ont échoué ; elle a dépensé tout son argent en pure perte, son mal n’a fait qu’empirer !  

Nous avons donc deux personnages principaux : un homme et une femme ! Un notable qui a un nom Jaïre, et une femme exclue sans nom : tout semble montrer, apparemment, que ces deux personnages n’ont absolument rien en commun. 

Et pourtant, si nous y regardons de plus près, ce chef de synagogue et cette femme malade ont plusieurs points communs : 

  • Tout d’abord – premier point commun – ils sont mystérieusement reliés l’un à l’autre par un nombre symbolique, le nombre douze : la fille du chef de la synagogue a douze ans et la femme malade se trouve dans cet état, elle aussi, depuis douze ans. Ce nombre est tout de suite remarqué par les Hébreux de l’époque : douze tribus, douze Apôtres… Ce nombre présente un enjeu symbolique et en même temps très concret : 12 ans est l’âge où on entre (pour une jeune fille) dans la vie adulte et sociale ! Dans les deux cas, la jeune fille et la femme : la mort ou l’exclusion (qui est une petite mort) rendent cela impossible.

  • Ensuite – deuxième point commun – tous les deux font preuve d’une grande audace… une audace qui sera récompensée. On ne s’attend pas d’un chef de synagogue qu’il se tourne vers un guérisseur, vers Jésus et pourtant, il le fait. On ne s’attend pas non plus à ce qu’une femme en état d’impureté, donc bannie, brave tous les interdits en touchant un homme, de surcroit un homme qui est un rabbin, et pourtant elle le fait. Notons donc, l’audace de ces deux personnages ! 

  • Et puis – troisième point commun, et sans doute le plus important – nos deux personnages viennent interrompre le cours normal des événements. Jésus vient d’arriver de l’autre rive, il est assis au bord du lac et il enseigne. Cependant, l’irruption du chef de la synagogue va faire prendre à Jésus, un chemin qu’Il n’avait pas prévu (il le fait venir chez lui pour qu’Il guérisse sa fille) ; de même, la femme va l’interrompre sur ce chemin lorsqu’elle touche son vêtement ! De fait, c’est la foi de ces deux personnages qui provoque cette série d’évènements qui vont bousculer et bouleverser la route de Jésus. 

Remarquons aussi la grande disponibilité de Jésus ! Il se laisse interrompre, il se laisse conduire autrement ! Il a une souplesse dont nous ne savons pas toujours faire preuve.

En réalité, ce récit est une suite d’évènements imprévus et d’interruptions. Il s’en rajoute encore une – la dernière qui est dramatique : celle de la mort qui vient interrompre la vie de cette jeune fille. « Ta fille vient de mourir ! » : voilà le verdict lourd de conséquences annoncé par les domestiques de Jaïre. 

Jusque-là, Jésus n’a pas été maître de son emploi du temps, Il a subi, avec bienveillance, toutes ces interruptions. Mais il se produit un tout dernier rebondissement, et celle-ci, c’est Lui qui en est l’instigateur : car, à la fin, c’est la mort qui se trouve elle-même interrompue au moment où Jésus redonne vie à cette jeune fille ! Elle est interrompue par Jésus le maître de la Vie. 

Quelle est la clé de lecture ? Cet évangile n’est en fait rien d’autre qu’un récit pascal ; il nous parle de vie et de retour à la vie. C’est bien là-dessus que notre texte insiste, car il nous est dit que la jeune fille se lève. Si le verbe choisi en grec (Anastasis) est celui que la première Église utilisait pour parler de la résurrection, d’un relèvement de la mort vers la vie, c’est que Jésus parle de la mort comme d’un sommeil provisoire ! Cela nous renvoie aussi à l’épisode de la mort de son ami Lazare. (An apprenant la mort de Lazare dit : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Jn 11,11)

L’insistance est précise ! La mort est un sommeil provisoire ! Dans ce récit pascal, cette annonce de vie est pour tous : cette bonne nouvelle est pour Jaïre, bien sûr, ce notable, (joie de retrouver sa fille vivante !) mais elle l’est aussi pour cette femme exclue qui revient dans la communauté. L’évangéliste veut nous faire comprendre que Jésus est le Maître de la Vie ! Cette espérance de vie présente et à venir est pour chacun de nous, chers frères et sœurs, pour chacun de nous, qui que nous soyons. 

Notons la force et le sens de la dernière scène ! Jésus, dans la chambre, prend la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum ! », littéralement reprend ta place dans la société. Aussitôt la grande fille se lève et se met à marcher ; elle est vivante. Et pour bien montrer que la vie est là, Jésus ajoute : « Donnez-lui à manger », pour bien montrer qu’elle n’est pas un fantôme, pas un esprit. 

Jésus lui a rendu la vie sur cette terre, et les pleureuses ont cessé de se moquer de Lui ! 

Que veulent nous dire les textes de ce dimanche ? « Dieu n’a pas fait la mort » nous redit le livre de la Sagesse que nous avons entendu en première lecture ! L’évangile nous parle de ce retour à la vie de cette jeune fille, en faisant écho à celle de Lazare. Mais attention dans ce contexte pascal, et au-delà de notre mort terrestre (nous ne sommes que des pèlerins sur cette terre !) c’est bien à une autre connaissance à laquelle Jésus veut nous inviter. Il veut nous faire participer, âme et corps, corps et âme, à sa Vie, à sa gloire. Car Dieu veut réussir la vie des hommes, et ce n’est pas la mort, ni le Diable qui l’en empêchera ! 

Chers amis, la Bonne Nouvelle est là et cet évangile est capital ! Il nous faut la réentendre : au jour de notre mort, à la fin de notre temps terrestre, jour qui demeure caché dans le secret de Dieu, la main du Ressuscité saisira la nôtre, et chacun de nous l’entendra dire dans sa langue : « Lève-toi », « Talitha koum ! » pour aller avec Lui dans la Vie éternelle.  

Chers amis, au milieu de nos inquiétudes personnelles, sociétales, gouvernementales, il nous faut réentendre ce que le Christ dit à Jaïre : « Ne crains pas, crois seulement ! » Que ces mots résonnent en chacun de nous ! 

Ainsi soit-il ! 

 

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