Les bourgeons d’avenir                              Homélie du 33 dimanche du temps ordinaire

Tout d’abord, il faut l’avouer, les mots que nous venons d’entendre nous déroutent. Ils appartiennent à un genre littéraire très particulier, le genre apocalyptique.

Dès que nous entendons apocalypse, nous pensons aujourd’hui à des événements terrifiants.

Or, dans le langage des croyants juifs ou chrétiens, c’est précisément le contraire. C’est le voile qui se lève ou du moins un coin du voile, pour nous permettre d’entrevoir ce que Dieu nous a promis.

Avec l’Evangile de Marc, nous sommes vers l’an 70. Les légions romaines encerclent Jérusalem, le Temple va être rasé. A Rome, Néron persécute les chrétiens. Saint-Pierre va subir le martyr avec beaucoup d’autres.

Marc veut réconforter les chrétiens dans l’épreuve.

Non ! Dieu ne peut vous abandonner. Le monde ancien meurt, un monde nouveau est en train de naître. « Le soleil s’obscurcira, la lune perdra son éclat, les étoiles tomberont du ciel. »

Non, les enfants, n’ayez pas peur, les étoiles ne tomberont pas du ciel ! Mais, au temps de Jésus, les grands voisins du peuple d’Israël adoraient le soleil, la lune et les étoiles comme des dieux et des déesses qu’ils redoutaient.

Jésus annonce une victoire définitive sur toutes les craintes et les terreurs ancestrales qui écrasent les hommes. Le dernier mot de l’histoire n’appartient pas aux forces du mal, aux persécuteurs des pauvres, mais à Dieu et son pardon. « Courage et restez bien éveillés » nous dit Jésus aujourd’hui.

Une autre image : « on verra le fils de l’homme venir sur les nuées du ciel. »

Jésus est venu il y a plus de 2000 ans, il vient aujourd’hui et il viendra accomplir la promesse de Dieu son Père. Il n’y aura plus un seul mur qui se dressera pour séparer les hommes, puisque ce jour-là, Dieu rassemblera les hommes des quatre coins du monde.

Le jour et l’heure de cette fin heureuse importent peu à Jésus. « Le ciel et la terre passeront », dit-il, « mes paroles ne passeront pas. » Le message de cet évangile n’est donc pas une menace, c’est un message pour aujourd’hui.

Je m’explique. Savez-vous que la fin du monde est commencée ? Elle a commencé dans l’après-midi du vendredi saint. Les croyants qui ont raconté la mort de Jésus ont d’ailleurs utilisé le même langage apocalyptique pour dire que c’était la fin d’un monde. « Le soleil s’est obscurci, la terre a tremblé, les tombeaux se sont ouverts. »

Le Christ a donné sa vie pour hâter la fin d’un monde de haine, de mort et pour que commence un monde nouveau. Ce que Jésus a appelé le Royaume de Dieu.

Mais, vous me direz : « où le voyez-vous ce monde neuf ? » Certes, nous vivons des choses difficiles. Nous sommes témoins de graves dérèglements, nous côtoyons des situations d’injustice tout près de nous, des familles, des femmes, des enfants sont pris dans les spirales de la pauvreté ; les échos du monde nous révèlent à quel point des millions de personnes sont aux prises avec la faim, la guerre, la maladie, l’insécurité, le manque d’avenir.

Mais nous constatons par ailleurs de belles solidarités vécues dans notre environnement proche et ailleurs à travers le monde. Nous croyons que Dieu a pris l’initiative de s’approcher de l’homme et Dieu se glisse en nous pour que nous soyons, ici et maintenant, son amour, son regard, sa passion de la justice.

‘’Il nous faut écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres» ne cesse de nous redire le pape François.

Revenons à l’essentiel : si tu grandis sous le soleil brillant de la réussite, des honneurs, si ce qui gravite autour de toi n’est là que pour te flatter, si ton ciel n’est constellé que des étoiles de la beauté, de l’argent, du confort, de tout cela il ne restera pas pierre sur pierre.

Mais si tu fais de ta vie un « je t’aime », si tu fais tout pour faire reculer la misère alors la joie sera au rendez-vous.

Là est notre vocation d’enfants, de jeunes, d’adultes !

Là est l’interpellation de notre pape François en cette Journée mondiale des pauvres.

Là est l’enjeu des missions du Secours Catholique au service du frère, en partant des plus pauvres pour n’oublier personne et même pour qu’ils nous évangélisent et nous enseignent (Evangelii Gaudium n° 198).

Le message de l’Evangile ne cesse de bourgeonner encore deux mille ans après.

Au lieu de ne percevoir que les craquements du monde d’aujourd’hui, tendons l’oreille aux poussées de vie et d’amour dans l’humble quotidien de chacun. Repérons les bourgeons d’avenir !

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