ÉVANGILE « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps » (Mt 10, 26-33)

En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. »

HOMELIE

Douzième dimanche ordinaire – A

 

« Ne craignez pas » «  N’ayez pas peur » ! ! ! Ce n’est pas évident de recevoir une telle parole de l’évangile dans les temps incertains pour beaucoup, troublés par la guerre en tant de régions, autant de raisons de nous poser des questions, de nous faire du souci, d’avoir peur. Cette crainte de l’avenir, ce sentiment diffus de fragilité et de précarité est très largement répandu aujourd’hui dans notre monde. Alors, cette parole de l’évangile arrive-t-elle à contre temps, tout comme la prédication de ce pauvre Jérémie que non seulement on refuse d’écouter mais surtout  qu’on veut faire taire, le museler, parce que tout ce qu’il dit n’est pas religieusement correcte et va à l’encontre du sentiment majoritaire.

Eh bien dans ce contexte d’inquiétude, de crainte, peut-être même de défaitisme, la parole de l’évangile retentit : « ne craignez pas ! », gardez courage, ayez foi en l’avenir  .Nous avons sans doute mille raisons de désespérer,  mais si nous  regardons bien, nous avons  aussi sans doute mille et une raisons, peut-être même  mille et deux raisons d’espérer. Dans le monde, les chrétiens devraient être les professionnels de l’espérance, or il faut bien reconnaitre que collectivement nous sommes d’assez mauvais professionnels, alors essayons au moins d’être de bons amateurs en nous souvenant  que le mot amateur vient d’un mot latin qui signifie : celui qui aime.

L’espérance est une vertu comme la foi et la charité, mais on a tendance à l’oublier dans un coin de la sacristie, car on a déjà tellement à faire avec la foi et la charité. Et puis comment affirmer que demain ira mieux, par définition nous n’en savons rien et nous sommes trop prévenus pour nous contenter de discours optimistes.

Un dominicain du Caire, le père Adrien Candiard a écrit un petit livre : « veilleur où en est la nuit », avec comme sous-titre : petit traité de l’espérance à l’usage des contemporains. Mon homélie s’inspire largement de son livre car figurez-vous qu’il nous propose  le prophète Jérémie comme modèle d’espérance.  Il nous  transporte en 587  avant Jésus Christ, l’année de notre première lecture d’aujourd’hui où le prophète Jérémie est emprisonné et menacé de mort par une noblesse qui le juge dangereux pour le moral de la population. En effet il dénonce les prophéties flatteuses des courtisans que les responsables aiment entendre et qui fleurissent un peu partout. On se berce d’illusions. On ne vit pas dans un monde enchanté où Dieu viendrait régler nos problèmes. Dieu sera bien obligé d’intervenir, pensent les chefs du peuple sinon tout son travail depuis l’alliance avec Abraham sera réduit à néant. Dieu est avec nous, c’est évident parce que c’est  nous les bons alors tout ira bien. C’est contre cette fausse espérance que réagit Jérémie, contre tous les discours lénifiants que l’on entend encore aujourd’hui, même dans l’Eglise, en refusant de voir la réalité en face pour l’affronter sereinement. L’espérance chrétienne ne demande pas de l’optimisme mais du courage pour accepter de renoncer à l’illusion, à tous les faux espoirs  qui sont autant de béquilles illusoires, renoncement  particulièrement douloureux. La seule promesse que Dieu fait à Jérémie ce n’est pas le triomphe ou la réussite, c’est la promesse d’être avec lui car Dieu n’existe que dans le monde réel. Il n’est ni hier, ni demain, ni ailleurs, c’est le Dieu du présent. Il ne se rencontre que dans la vraie vie, le vrai monde, le même monde que celui  où l’on rencontre le chômage, la guerre le terrorisme. Comment Dieu pourrait-il nous sauver si nous sommes ailleurs ?

L’espérance chrétienne n’est pas une attente qui prendrait sa source dans un besoin à combler, elle est un don, don que nous devons simplement recevoir. Dieu n’est pas à venir, n’est pas ailleurs, il est donné et la seule difficulté consiste à  accepte ce don. Espérer c’est quelque chose de très concret : c’est croire que Dieu nous rend capable de poser des actes éternels,  c’est croire que quand nous aimons c’est une fenêtre que nous ouvrons sur l’éternité Ce sont les actes d’amour qui construisent déjà dans notre monde l’éternité, L’apôtre Paul nous le dit : l’amour ne passera jamais. Alors devant toutes les nouvelles, toutes les situations bonnes ou mauvaises, je dois me demander ; comment puis-je en faire une occasion d’aimer ? Transformer les événements en occasion d’aimer, c’est reproduire au quotidien le miracle de Cana, c’est changer l’eau de la vie ordinaire en vin de la vie éternelle. Il ne faut pas nous tromper de combat et il nous faut nous servir des bonnes armes, l’arme de l’amour.

Hier saint François de Sales était à l’honneur dans notre communauté, eh bien je vais terminer par un passage de son discours lors de son installation comme prévôt du chapitre du diocèse de  Genève, chapitre réfugié à Annecy puisqu’il a été chassé par les protestants qui se sont emparés de la cathédrale de Genève.

« Les préfets des provinces ont coutume en entrant en charge de former de grands projets pour débuter leur administration par quelque action d’éclat… Voici l’entreprise que je vous propose : reconquérir Genève ce siège antique de votre assemblée… C’est par la charité qu’il faut ébranler les murs de Genève, par la prière qu’il faut l’envahir et par la charité qu’il faut la retrouver »  Oui! Voilà les bonnes armes.

Tout comme la seule promesse de Dieu à Jérémie est d’être avec lui, Jésus nous dit : je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Ne craignez pas, ouvrier de la paix. La moisson vous attend. Pour réconcilier le monde n’emportez que l’amour. A ceux qui vous accueillent, comme à ceux qui vous chassent, annoncez la nouvelle :

« Le royaume de Dieu  est là tout prêt de vous ! »

 

   

 

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