Évangile « Les bergers découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né » (Lc 2, 15-20)
Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux : « Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, l’événement que le Seigneur nous a fait connaître. » Ils se hâtèrent d’y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé.
HOMELIE
Noël 2024- messe de l’aurore
Cette nuit qui s’achève a vu à travers le monde entier des communautés chrétiennes célébrer dans la joie la naissance à Bethléem d’un enfant à qui son père dans 8jours, le jour de sa circoncision, donnera le nom de Jésus. Ce matin nous nous unissons à toutes ces célébrations de joie car nous savons que cet enfant est l’incarnation de Dieu à notre monde. Il est le messie, il est le Christ. A la lumière de l’évangile de saint Luc que nous venons d’entendre et en contemplant les personnages de la crèche, essayons de retrouver l’authenticité et le sens de cet événement au-delà de tout le folklore qui l’entoure.
Nous aimerions bien avoir plus de détails, en avoir une représentation, une photo et pourquoi pas une vidéo. C’est ainsi que saint François d’Assise, animé du même désir que nous, a eu l’idée il y a 800 ans, pour noël 1223, de représenter l’événement, de faire la première crèche. Dans une mangeoire en forme de berceau il a déposé l’eucharistie parce que à Bethléem, ce qui signifie la maison du pain, Jésus nous est présenté dans une mangeoire, lui qui au dernier repas avec ses amis dira en leur partageant le pain : « Prenez et mangez ».
La crèche c’est comme une photo de famille.
Nous en avons dressé une dans nos maisons, dans notre église, une crèche bien locale, bien savoyarde avec sa verdure, ses sapins, son étable…. C’est notre façon de dire que Jésus est partout chez lui, qu’il vient pour nous, qu’il vient pour tous les hommes de tous les lieux et de tous les temps. Il naît chez nous comme il est né à Bethléem, le berceau de sa famille paternelle où Joseph est venu avec sa femme Marie pour le recensement décrété par l’empereur de Rome.
Nous voici donc à Bethléem, dans la famille. On connaît l’hospitalité des gens du moyen orient, ça devait être une sacrée fête que les retrouvailles des descendants de ce lointain et célèbre ancêtre David qui avant d’être roi à Jérusalem fut berger à Bethléem.
Or pendant leur séjour, voici qu’arrive le moment où Marie va accoucher, sa place n’est pas dans la salle commune, nous précise saint Luc, elle se retire dans la pièce de derrière qui à Bethléem est souvent creusée dans le rocher, une grotte sur laquelle s’adosse la maison. C’est une pièce où l’on stocke les provisions et où on range tout ce qui pourrait embarrasser la salle commune où le soir pour dormir on étend les nattes bien roulées contre les murs pendant la journée. Voilà pour le cadre. Regardons les personnages :
Un nouveau né reposant dans une mangeoire. Qui pourrait se douter du lien entre les premières heures de vie de ce bébé exposé dans une mangeoire à Bethléem la maison du pain et les dernières heures de cet homme à Jérusalem, qui partageant le pain de la pâque dira à ses amis : « prenez et mangez, ceci est mon corps. »
Marie et Joseph sont admiratifs et attendris devant le plus beau bébé du monde comme le pensent tous les parents. Marie est heureuse, elle a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. Tout comme Joseph a cru aux paroles entendues en songe : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse…. Elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus. »
Saint Luc ne parle pas de la famille qui vient sans doute admirer le bébé et féliciter les parents mais il nous parle des bergers qui veillaient sur leur troupeau. Il y a au moins deux raisons pour que saint Luc les mette sur la photo de famille. La première c’est qu’à cause de leur métier les bergers sont un peu en marge de la société ordinaire, ils vivent avec leur troupeau, se déplacent au gré des pâturages, il leur est impossible de satisfaire quotidiennement aux 613 règles religieuses que les docteurs de la loi ont accumulées au cours de l’histoire. Attention personne n’est exclu de la bonne nouvelle veut dire saint Luc quand il écrit vers les années 80, l’évangile s’adresse à tous même aux païens, même à ceux qu’on aurait tendance à marginaliser, à exclure. La deuxième raison de leur présence c’est qu’ils veillaient… toute la bible nous demande d’être des veilleurs, des guetteurs pour que nous sachions reconnaître Dieu présent dans l’ordinaire de nos vie comme dans l’ordinaire de la vie du monde…. Pour nous dire la même chose l’évangéliste Matthieu nous parlera de la visite de mages, des étrangers par la race, la religion, des guetteurs et des veilleurs astronomes et astrologues qui scrutaient les étoiles.
L’évangile ne nous parle pas de l’âne ni du bœuf. Et pourtant ils ont bien leur place dans la crèche, ils attendent depuis si longtemps, depuis le premier chapitre du prophète Isaïe au verset 3 « le bœuf reconnaît sa place à l’étable et l’âne la voix de son maître, Et toi Israël tu ne sais pas reconnaitre ton Dieu », ils sont là dans nos crèches où nous les disposons de façon qu’ils dirigent nos regard vers le nouveau né. Il semble nous dire : ne soyez pas plus bête que nous, sachez reconnaître votre Dieu dans cet enfant exposé.
Voilà comment nos crèches nous expliquent le mystère de l’incarnation, la grande nouvelle de Dieu qui vient partager nos vies. Et si la crèche se présente comme une belle photo de famille, nous y avons chacun notre place au côté des bergers en compagnie de l’âne et du bœuf.