ÉVANGILE « Aimez vos ennemis » (Mt 5, 38-48)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
HOMELIE
Depuis quelques dimanches nous entendons par tranches successives, la proclamation du sermon sur la montagne, un des 5 discours dans lesquels Matthieu a rassemblé la prédication de Jésus. Cinq discours, à priori ça nous dit rien, mais pour ceux à qui Matthieu s’adresse, ses frères juifs, l’enseignement est clair, 5 discours rappellent les 5 premiers livres de la bible, le pentateuque, ce que les juifs appellent aussi la torah, le fondement de la révélation. Et dans le passage qui précède celui d’aujourd’hui, que nous avons entendu dimanche dernier, Jésus prend bien soin de placer son enseignement dans la continuité de l’ancienne alliance : « je ne suis pas venu abolir mais accomplir », mener jusqu’au bout, donner sa plénitude et son sens dernier.
« Vous avez appris qu’il a été dit… Eh bien moi je vous dis » Voilà un enseignement donné avec autorité remarqueront les auditeurs, pas comme celui des scribes ou des docteurs de la loi qui se contentent de répéter. « Oeil pour œil, dent pour dent », c’est-à-dire que la riposte se limite à la hauteur du dommage. On ne prend pas une vie pour un œil crevé ou une dent en moins, on ne prend pas une vie pour une voiture ou un coffre dérobés, pour une parole ou un regard de travers. Depuis plus de 3000 ans cet appel résonne dans la bible… et on n’est pas plus avancé. « Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends- lui l’autre ». Si quelqu’un me gifle, ma première réaction c’est de répondre, eh bien non me dit Jésus, arrête là le cycle de la violence. Sois assez fort pour dire : non, la violence ne mène à rien, ne résout rien. On vous a dit pas plus d’un œil pour un œil eh bien moi je vous dis allez jusqu’au bout du commandement, arrêtez la violence, sinon qu’est ce que vous faites d’extraordinaire, de plus que ce nous dicte le bon sens et la justice des hommes. Est-ce que c’est extraordinaire d’aimer ceux qui nous aiment, de saluer ceux qui nous saluent. Les païens n’en font-ils pas autant ? Autrement dit : pas besoin d’être chrétien pour comprendre cela.
On s’est souvent moquer des chrétiens et de cette parole du Christ : tendre l’autre joue et c’est vrai que c’est bien difficile à comprendre si ce n’est pas pour dire non à l’engrenage de la violence. On sait comment des haines et des vengeances peuvent se perpétuer sur plusieurs générations entre des familles, des ethnies, des religions pour finalement le malheur des uns et des autres.
Dans le premier procès de canonisation de Saint François de Sales on peut lire ce témoignage : « A l’issue de sa prédication à Thonon, un hérétique s’approcha de lui et lui dit : vous prêchez que quand on a été frappé sur une joue, il faut tendre l’autre. Si à cette heure je vous donnais un soufflet sur la joue, ferez- vous ce que vous prêchez en tendant l’autre joue ? Le bienheureux en souriant lui dit : je sais ce que je devrai faire mais je ne sais pas ce que je ferai, voulez-vous en faire l’expérience.»
« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait », nous savons bien que nous ne serons jamais parfaits, vouloir être Dieu ou comme Dieu c’était l’illusion du péché des origines au livre de la genèse. Mais c’est bien lui notre modèle, lui qui nous appelle à lui ressembler, à aimer comme il aime. Lui qui fait lever son soleil sur les méchants comme sur les bons et tomber la pluie sur les justes comme les injustes. Lui qui reconnaît chaque être humain comme son enfant. Un enfant rebelle ou révolté ne cesse pas pour autant d’être l’enfant de ses parents et un psaume nous l’affirme : « même si une mère était capable d’abandonner son enfant, moi, dit Dieu je ne t’abandonnerai jamais »