ÉVANGILE « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » (Lc 23, 35-43)
En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
HOMELIE
Christ roi de l’univers
33° dimanche ordinaire
Avec la fin de l’année liturgique, nous arrivons aussi à la fin de la lecture de l’évangile de saint Luc qui nous a accompagnés tout au long de cette année écoulée. Jésus est arrivé à Jérusalem, accueilli par une foule enthousiaste, c’est ce que nous célébrons le jour des rameaux, il vit ses dernières semaines avec ses disciples enseignant dans le temple pendant que se trame le complot qui va le perdre. Il vient de s’accrocher avec les sadducéens, ce parti de notables conservateurs qui ont essayé de le ridiculiser en voulant ridiculiser la foi nouvelle en la résurrection. Ces notables, tout comme les disciples, tout comme tous les juifs de l’époque sont fiers du temple dont la reconstruction vient de s’achever. Et ils ont bien des raisons d’en être fiers puisqu’il n’y a qu’un seul temple au monde pour la religion juive, celui de Jérusalem. Un seul temple pour signifier l’unicité de Dieu, la foi au Dieu unique, un temple vers lequel on vient de « toutes les nations qui sont sous le ciel » dit le livre des actes des apôtres au jour de la pentecôte. Ce temple est le symbole de l’alliance entre Dieu et son peuple, le symbole de l’ancienne alliance, de l’ancien testament. Sa destruction et sa disparition seront le signe que cette alliance est dépassée, elle est arrivée à son but qui est Jésus le Christ, Dieu vivant au milieu des hommes. « Détruisez ce temple, je le rebâtirai en trois jours » Ce n’est plus le temple de pierres, si beau soit il, c’est désormais le Christ ressuscité qui est le signe de l’alliance nouvelle.
C’est une rupture qui a été difficile et douloureuse pour les premiers disciples, tous originaires de l’ancienne alliance. C’est le problème qui a agité les premières communautés chrétiennes dès lors que des non juifs, ceux que l’on qualifie de païens deviennent chrétiens. Il a fallu que les apôtres se retrouvent à Jérusalem, discutent, s’affrontent pour décider de l’avenir, pour décider de notre sort, et ainsi nous sommes aujourd’hui disciples du Christ, nous sommes chrétiens, peuple de la nouvelle alliance sans être passé par l’ancienne alliance, sans être soumis aux règles de l’ancienne alliance mais bien issus de l’ancienne alliance. Oui elle est importante cette ancienne alliance, y compris pour nous aujourd’hui, elle est le socle, la matrice de la nouvelle alliance en Christ. Et cette importance est manifestée entre autre dans la liturgie de la parole de la messe du dimanche qui commence toujours par une lecture de l’ancien testament choisie en fonction du texte d’évangile.
Pour les chrétiens il y a à la fois rupture et continuité. Voilà pour le symbole du temple !
La suite du passage fait allusion à la situation de conflit et parfois de persécution que vivent les premiers chrétiens. La foi au Christ, l’abandon de l’ancienne alliance provoque des divisions, des conflits au sein même des familles. Courage, persévérance dit le Christ, ne perdez pas la tête, ne vous laissez pas égarer, ne croyez pas n’importe qui, n’importe quoi. Soyez solides, soyez fermes. C’est ce même enseignement que reprendra l’apôtre Paul dans la lettre à la communauté de Thessalonique troublée par quelques prédicateurs qui annoncent le Christ ici ou là, à tel point que certains se disent à quoi bon travailler, prendre de la peine, si le Christ est de retour. L’apôtre devra se fâcher : « si quelqu’un ne veut pas travailler qu’il ne mange pas non plus ». Nous n’avons pas à chercher des excuses religieuses pour justifier notre paresse et nous dispenser de travailler à un monde meilleur et plus juste pour tous.
Ne prêtez pas l’oreille à tous les prophètes de malheurs qui veulent vous faire peur, qui veulent vous dominer et vous asservir par la peur, y compris par de soit disant messages ou révélations célestes. N’entends nous pas dire parfois ou peut-être même pensons-nous que nous vivons la pire des époques. Chaque génération a l’impression de vivre la pire époque, Saint Augustin le disait déjà au 4° siècle en se moquant de ceux qui disaient : qu’est ce c’était mieux autrefois, dans les générations passées, du temps de nos parents. Oui répond Saint Augustin, c’était mieux parce que vous ne l’avez pas vécu.
Par certains aspects, c’est bien vrai que notre époque n’est pas brillante. Mais au regard de l’histoire elle ne doit pas être pire que les autres. De toute façon c’est la nôtre et c’est dans cette réalité d’aujourd’hui que nous avons à vivre la foi au Christ. La foi n’autorise aucune fuite ni aucune désertion devant la réalité, si difficile soit elle, elle ne peut que nous mobiliser pour la transformation, l’humanisation de ce monde afin de préparer le jour du Seigneur.
« C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie », conclut le passage d’évangile de ce dimanche.