Évangile « Il commença à les envoyer » (Mc 6,7-13)
En ce temps-là, Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. » Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
Homélie
Les textes d’aujourd’hui nous ont fait entendre des récits de vocations, d’appels. Toute l’histoire de l’alliance est ainsi faite d’appels, d’appels individuels mais aussi d’appels faits au peuple de l’alliance. Amos était éleveur et il cultivait des figuiers, ça ne dispose pas spécialement à un appel particulier. Paul était pharisien, en route pour arrêter les disciples de Jésus à Damas et pourtant il est appelé, choisi comme apôtre. Pierre, André, Jacques, Jean étaient des pêcheurs, Matthieu était publicain, collecteur d’impôts pour les romains…. Quels sont donc les critères d’appel de la part de Dieu ? Eh bien il est évident, à partir de tout ce qu’on sait sur Dieu, que l’appel s’adresse à chacun qu’elle que soit notre situation. C’est avec les pécheurs que nous sommes que Dieu fait des disciples, fait des apôtres, fait des saints. Son critère c’est l’amour qu’il a pour chacun.
« Jésus appelle les douze et pour la première fois il les envoie » Appeler, rassembler pour envoyer, deux démarches qui peuvent paraître contradictoires mais qui en fait définissent bien notre vocation de chrétien qui s’illustre parfaitement dans la démarche du dimanche. Nous avons répondu à l’appel du dimanche, nous nous sommes rassemblés, nous faisons Eglise. Mais ce rassemblement nécessaire pour écouter la parole, louer Dieu, faire mémoire du dernier repas de Jésus n’est qu’une préparation à l’envoi. Le nom de notre rassemblement, la messe, met l’accent sur l’envoie. « Allez dans la paix du Christ » Allez ! Allez témoigner de l’évangile, allez témoigner chacun selon votre vocation. Témoigner pour certains par une annonce explicite, c’est une vocation particulière, témoigner pour tous humblement par notre vie, sans prosélytisme, sans piété intempestive mais sans complexe, c’est la vocation de tous.
Dans le livre des actes des apôtres, le rassemblement dominical est appelé le repas du Seigneur, on met l’accent sur le repas fraternel. Dans le monde grec on dit eucharistie, c’est-à-dire rendre grâce, on met l’accent sur la louange. La liturgie latine met l’accent sur le caractère du resourcement ensemble pour aller vivre et témoigner au quotidien. Chaque aspect est juste et complémentaire et témoigne de la richesse de ce moment que nous vivons ensemble et dont un seul mot ne peut en dire toute la richesse. Saint Ephrem compare l’évangile à une source qui coule, nous venons nous y abreuver mais ce que nous consommons, ce que nous comprenons est infime par rapport à ce que nous laissons. C’est parce que nous ne pouvons pas tout boire d’un seul trait, c’est-à-dire tout comprendre d’un seul coup qu’il nous faut revenir encore et encore pour boire à la source.
Jésus envoie les apôtres deux par deux. C’est une règle du droit pour la validité d’un témoignage. Dans la bible le témoignage d’un seul est irrecevable pour une condamnation à mort. Et le droit romain dit : « Testus unus, testus nullus » Témoin unique, témoin nul. Cela souligne l’importance de notre lien à la communauté, à l’Eglise, et souligne aussi l’importance du discernement de l’Eglise. Ce n’est jamais en notre nom que nous témoignons c’est au nom d’une communauté de foi.
« Il leur prescrivit de rien emporter pour la route si ce n’est un bâton et des sandales », c’est-à-dire des accessoires pour la marche. Jésus ne prêche pas l’insouciance, mais rappelle la hiérarchie des valeurs. Ce ne sont pas nos accessoires, les moyens que l’on met en œuvre, même s’ils sont tout à fait légitimes, qui vont séduire les auditeurs mais c’est la nouvelle que nous apportons, c’est l’évangile. Notre provision pour la route c’est la certitude d’être aimé, c’est la certitude de ce regard d’amour que Dieu pose sur chacun même sur ceux que nous n’aimons pas.
La proclamation de l’évangile n’est pas pour endormir les gens, pour en faire un troupeau de soumis, de résignés mais pour remettre les choses à l’endroit, pour convertir, changer les cœurs, chasser les démons du pouvoir, de la domination de l’argent, du paraître…. « Va-t’en prêcher ailleurs » s’entend dire le prophète Amos qui dénonce les exploiteurs de son temps et qui n’hésite pas à traiter leurs épouses de grosses vaches qui en veulent toujours plus.
Nous n’avons pas tous une vocation de prophète à la manière d’Amos mais tous nous sommes appelés et envoyés pour être témoin. « Allez dans la paix du Christ », c’est un moment essentiel de nos retrouvailles dominicales, de la messe.