Évangile « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé » (Jn 3, 13-17)
En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »
HOMELIE
La croix glorieuse
Je ne sais pas où ni dans quel esprit sadique est né l’idée du supplice de la croix qui est devenu chez les romains le mode de mise à mort des condamnés qui ne portaient pas le titre de citoyen romain. Des milliers de personnes ont subi cet horrible supplice. Et Jésus de Nazareth fut l’un de ces crucifiés. La croix est un instrument de torture monstrueux sur lequel le condamné mourait à petit feu en s’asphyxiant. Aussi vous pensez bien que la croix que nous honorons aujourd’hui, faisait horreur à tous et en particulier aux disciples du Christ.
Il a fallu attendre le 4° siècle pour qu’on supprime ce mode d’exécution et alors les chrétiens qui jusque là avaient comme signe de reconnaissance le poisson, parce que en grec les lettres du mot poisson sont les initiales de cette phrase : Jésus Christ fils du Dieu sauveur, les chrétiens donc ont pu regarder la croix autrement. Et parce que Jésus est ressuscité ils ont pu dire que cet arbre de mort est devenu pour nous un arbre de vie. C’est aussi à cette époque que l’on pense avoir retrouvé à Jérusalem le bois de la croix du Christ, retrouvailles, exaltation en langage ancien. C’est ainsi qu’est née la vénération de la croix et que peu à peu elle est devenue le signe de la foi des chrétiens, signe qui s’accompagne de l’affirmation de notre foi au Dieu Père, Fils et Saint Esprit.
La représentation de la croix est une longue histoire, elle a beaucoup variée selon les époques. Pour faire vite c’est d’abord la croix glorieuse que l’on représente, croix sertie de pierres précieuses ou portant le Christ ressuscité, un Christ avec les stigmates de la passion, pieds et mains troués mais un Christ aux yeux ouverts portant une robe et une couronne royale. On n’oublie pas l’horreur de la passion, mais il n’est plus ni sur la croix ni au tombeau, il est vivant à jamais.
L’objet de notre foi c‘est bien le Christ mort et ressuscité.
C’est au moyen âge, dans une période d’extrême misère pour le peuple à cause de la guerre entre les seigneurs, de l’insécurité, des famines, des épidémies, que l’on a représenté avec plus ou moins de réalisme les souffrances du crucifié pour signifier la présence de Dieu aux côtés du peuple souffrant. Dieu n’a pas abandonné les hommes, il souffre avec eux, et ces souffrances ne peuvent pas être vaines, ni stériles, ni sans espérance. La passion du Christ conduit à la résurrection. Ces croix avec le crucifié se veulent un message d’espérance pour tous ceux qui souffrent.
Et puis est venu le jansénisme qui se complait dans les souffrances de la passion. Les représentations de la croix vont changer, ce n’est plus le Christ aux bras ouverts comme pour accueillir et embrasser le monde entier, c’est le Christ avec les bras en l’air pour signifier ce que pensent les jansénistes : il y aura bien peu d’élus, car se sont nos efforts qui sauvent et non pas l’amour de Dieu.
Aujourd’hui les directives liturgiques souvent peu respectées demandent que les crucifix, la croix avec le crucifié soient en dehors du chœur, souvent à l’entrée pour ne pas oublier la passion, mais dans le chœur c’est le Christ ressuscité, c’est le vivant qui est célébré
notamment au cours de l’eucharistie. Il y a quelques années, lors d’une messe au patriarcat maronite de Beyrouth, dans une église toute neuve j’avais été frappé par l’immense croix de pierre du fond du chœur taillée dans la falaise et plus haut sur la coupole le ressuscité qui avait l’air de s’échapper de la croix.
La croix, la croix glorieuse, la croix d’après la résurrection est bien l’insigne du chrétien. Nous n’oublions pas que ce fut un instrument de torture mais nous l’honorons comme l’arbre de la vie, comme le signe de ce Dieu proche, bien planté en terre, de ce Dieu aux bras ouverts où chacun a sa place.
Je vais maintenant vous faire part d’une découverte dans mes lectures et recherches sur la vie et la spiritualité de saint François de Sales. Dans un livre : « Défense de l’estendart de la sainte croix » écrit contre les calvinistes de Genève qui raillaient la vénération de la croix, saint François raconte longuement et décrit le déroulement d’un pèlerinage avec les membres de la confrérie de la sainte croix à Aix les Bains où se trouvait une relique de la croix rapportée des croisades par un seigneur d’Aix. Il ne vient pas adorer le bois, ce qui serait dit-il , une sottise trop extravagante mais à « la simple veuë de ce précieux gage combien de saintes résolutions de mieux vivre à l’advenir et de saints déplaysirs et regrets de la vie passée prit-on à cette occasion ? Certes la simple veuë d’un bois n’eust pas eu ce crédit si par là, la toute puissante passion du sauveur n’eust esté vivement représentée. Sainte et admirable vertu de la croix, pour laquelle elle mérite d’autant plus estre honorée » P.80 Tome 2- œuvres de saint François de Sales.