ÉVANGILE « Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre » (Lc 9, 28b-36)
En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
HOMELIE
2° dimanche de Carême – C
Le désert de l’évangile de dimanche dernier tout comme la montagne de l’évangile d’aujourd’hui sont des lieux hautement symboliques dans la bible. Pour tout juif le désert rappelle les 40 ans de l’exode où la bande d’esclaves en fuite apprend à devenir des partenaires d’une alliance avec Dieu. La montagne rappelle un autre lieu privilégié de l’alliance, avec le don du décalogue, les dix paroles du Sinaï. Dans son évangile, saint Luc ne manque jamais de nous signaler comment Jésus se retire régulièrement soit dans un lieu désert, soit sur la montagne, pour prier, pour prendre du recul par rapport à son activité intense de prédicateur itinérant. Et sa façon de prier devait si belle, devait lui donner un tel rayonnement, qu’un jour ses disciples vont oser lui demander : « Seigneur apprends-nous à prier ».
Cet événement sur la montagne, nous dit saint Luc, se situe huit jours après la première annonce de la passion qui a complètement déboussolé les apôtres. On sait la vive réaction de Pierre à cette annonce : non Seigneur cela ne t’arrive pas ! Et la non moins vive réaction de Jésus : satan, tu es un obstacle sur mon chemin !
Ce jour là, « Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques et gravit la montagne pour prier» Et là les apôtres entrevoient ce que sera la gloire du ressuscité, ce qui devrait les aider à tenir le coup au moment de l’épreuve. Plus tard au jardin des oliviers, le soir de l’arrestation, ce sont les mêmes qui seront invités à se retirer avec Jésus pour prier. Comme Jadis Elie et Moïse, eux aussi sur la montagne, ils se sentent en présence de Dieu, Jésus est le reflet du Père et il nous fait entrevoir ce que nous sommes appelés nous-mêmes à devenir. Et le chemin c’est « écoutez- le » Mettez sa parole en pratique, regardez-le, imitez-le !
Mais si bien que l’on soit sur la montagne, si bien que l’on soit dans la prière, il faut redescendre, il faut revenir vers le quotidien pour affronter la réalité. La prière n’est jamais une évasion et ne peut jamais servir d’alibi pour nous défiler devant nos responsabilités. De nombreux saints nous mettent en garde contre cette tentation. Je vous citerai simplement ce que dit saint François de Sales dans un entretien aux sœurs de la visitation : « Si vous êtes en prière devant le saint sacrement pour dire trois notre père en l’honneur de la sainte trinité et que l’on vienne vous appelez pour faire autre chose, il faudrait vous levez promptement et aller faire cette action en l’honneur de la sainte Trinité au lieu de dire vos trois pater » (10° entretien) Prière et action sont intimement liées : prière et travail, c’est la règle que saint Benoît donne aux moines qui peuvent nous apparaitre comme les spécialistes de la prière mais qui doivent aussi comme chacun travailler pour manger. Aussi ceux qui opposent prière et action, sont à part égale dans l’erreur. La messe, la prière, la lecture de l’évangile, ce temps du carême sont autant de pauses sur la montagne de la transfiguration pour refaire nos forces, pour choisir d’être filles et fils de Dieu dans le concret de nos vies. La messe se termine toujours par un envoi, le but n’est pas de rester tranquillement entre nous mais bien de repartir chacun sur nos lieux de vie pour vivre l’évangile et ne pas en faire seulement un objet d’étude et de méditation. Profitons donc bien de tous ces temps qui nous sont donnés, notamment pendant le carême, pour contempler la clarté du ressuscité, nous laisser illuminer par sa lumière afin que notre quotidien soit transfiguré. Passons de l’ombre à la lumière, laissons nous transfigurer par le Christ pour notre bonheur et pour témoigner de ce bonheur.