ÉVANGILE « L’Esprit du Seigneur est sur moi ; il m’a consacré par l’onction » (Lc 4, 16-21)
En ce temps-là, Jésus vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »
HOMELIE
Ce jeudi de la semaine des pains sans levain, les apôtres ne sont pas surpris par la bénédiction du pain et du vin, c’est le geste traditionnel du repas de la pâque et même de chaque repas du sabbat. C’est un geste traditionnel de la liturgie juive. Ce soir là, ils sont réunis pour accomplir ce geste. Par contre ce qui est tout à fait insolite et incompréhensible c’est le geste du lavement des pieds, d’où la vive réaction de Pierre : « Tu ne me laveras pas les pieds, non jamais » Jean 13/8 . Voilà un geste nouveau, un geste de la nouvelle alliance : « Je vous ai donné l’exemple pour que vous agissiez comme j’ai agi envers vous » Jean 13/15. Autrement dit : « Faites ceci en mémoire de moi ». Il est assez curieux que l’on ait oublié ce sacrement du frère. Sans vouloir minimiser le temps de la prière, il est vrai qu’il est plus facile et surtout plus valorisant pour soi, « pour son amour propre » dirait saint François de Sales, de rester en adoration que de se coltiner le frère, le proche, le prochain qui est parfois bien pénible. On pourrait citer de très nombreux saints, de nombreux maîtres spirituels qui nous ont alertés sur notre spiritualité dichotomique. Je ne citerai que saint François de Sales dans son onzième entretien aux religieuses de la visitation : « Si vous aviez dévotion, vous trouvant devant le saint sacrement, de dire trois pater en l’honneur de la Sainte Trinité et que l’on vint vous appeler pour faire autre chose, il faudrait vous lever promptement et aller faire cette action en l’honneur de la Sainte Trinité au lieu de dire vos trois pater ».
D’après un texte de Jean Debruyne : Au cours de ce repas qui, pour lui sera le dernier, Jésus nous laisse en quelque sorte son testament. Il se lève de table et s’agenouille pour laver les pieds des siens. Le testament de Jésus, son haut fait, c’est un Dieu à genoux, le cou baissé, le dos courbé…. Dieu prosterné, Dieu à genoux devant l’homme pour lui laver les pieds.
Ce soir là, au cours du souper, « Dieu se mouille » au regard des siens, il se mouille dans les eaux troubles du lavement des pieds
Pour cette première messe on attendait un grand prêtre en grande tenue, en chasuble de soie et en tiare d’or…. Il est en tablier, les manches retroussées. Il ne lève pas les bras au ciel pour la grande bénédiction mais il est à genoux par terre pour laver les pieds.
Ce repas, ce dernier repas, dans l’évangile de Saint Jean devient lavement des pieds.
Désormais le service religieux n’est service de Dieu que s’il est service de l’homme. Le jeudi saint ne nous appelle pas à lever les yeux vers un Dieu qui serait dans les nuages mais à regarder à hauteur d’homme pour reconnaître Dieu dans le visage de mon frère, mieux à baisser les yeux pour le reconnaître dans mon frère souffrant, rejeté, méprisé, marginalisé, exploité. Si nous ne comprenons pas cela aujourd’hui jeudi saint, nous risquons bien de passer à côté du Dieu de l’évangile pour courir après d’improbables chimères ou nous raccrocher à quelques idoles dominatrices en quête d’esclaves.
Christ, Toi le très bas, Toi le Dieu serviteur, ouvre nos yeux à ta présence !