ÉVANGILE « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit » (Jn 15, 1-8)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage. Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite. Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples. »
HOMELIE
5° dimanche de Pâques – B
En présentant le texte sur l’Eglise au dernier concile, le cardinal Garonne, un Aixois comme vous le savez sans doute, disait que nous disposions de tout un arsenal d’images pour parler de l’Eglise, le peuple chrétien – peuple chrétien , pas peuple de Dieu – parce que le peuple de Dieu ne se limite pas au peuple chrétien qui n’est que l’image, l’esquisse, le préfiguration du peuple de Dieu qui concerne toute l’humanité même si une bonne partie ne sait pas encore qu’elle est aimée de Dieu.
La vigne est une de ces images que l’on retrouve tout au long de la bible. Elle évoque le peuple de l’alliance, objet de tous les soins de Dieu pour qu’il donne du fruit en abondance et un bon fruit. C’est une belle image quand on sait tout le travail attentif que demande la vigne dont le fruit ne répond pas toujours au travail et à l’attente du vigneron. Et pourtant il ne se décourage pas, il reprend son travail, il prépare les récoltes à venir. C’est une belle image pour parler de Dieu qui sans se décourager prend soin de chacun, nous fait confiance et espère toujours mieux, sait que nous sommes capables de produire de bons fruits.
Mais dans ce passage d’évangile, Jésus transforme la parabole de la vigne, elle n’est plus seulement l’image du peuple dont Dieu prend soin avec persévérance, Jésus s’identifie à la vigne, il est la vigne avec nous. Comme il s’est solidarisé avec l’humanité en naissant à notre monde, il se solidarise avec son Eglise. Et cela est exprimé clairement sur le chemin de Damas à Saul qui demande : « Qui es tu Seigneur ? » – « Je Suis Jésus que tu persécutes ». Je suis tellement uni à mes frères qu’en les persécutant c’est moi que tu persécutes. Cette identification Jésus l’avait déjà faite dans la parabole du jugement dernier : « Chaque fois que vous l’avez fait ou pas fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ou pas fait ».
Comme il est le bon berger qui prend soin de chacun, comme il est la pierre angulaire qui donne cohésion et solidité à l’édifice, comme il est le frère ainé de la famille, il est le cep qui donne vie, qui irrigue les sarments de sa sève. Pas de grappes si les sarments ne sont pas solidement greffés au cep ! Pas de vin savoureux sans la multiplicité des grappes broyées ensemble ! La gloire de Dieu c’est que cette vigne porte beaucoup de fruits, pas seulement pour elle-même mais pour le monde auquel elle est envoyée afin de témoigner de ce Dieu qui aime. Ecoutons ici l’appel du pape François qui ne cesse de nous appeler à une Eglise en sortie, afin qu’elle cesse de tourner en rond sur elle-même pour être pour tous signe d’espérance, signe de joie. « L’Eglise ne grandit pas par prosélytisme mais par attraction » 14. C’est-à-dire en faisant envie. Jésus va encore plus loin dans la comparaison avec la vigne. Il sait que pour porter du fruit il ne suffit pas de rester attaché au cep, mais il faut encore accepter d’être purifié, émondé, d’être dépouillé de tout ce qui est étranger à l’évangile.
En me promenant dans les vignobles, au printemps, je suis toujours surpris de tout le bois que l’on a taillé et de cet unique sarment que l’on a gardé et qui va donner une végétation exubérante. C’est l’image de tout le travail de conversion pour chacun mais aussi pour l’Eglise : toujours mieux nous ajuster sur Dieu en prenant l’évangile au sérieux en nous dépouillant de tous les oripeaux mondains ou préceptes humains qui voilent la lumière fulgurante de l’évangile. « Que Dieu nous libère d’une Eglise mondaine sous des drapés spirituels et pastoraux ! Cette mondanité asphyxiante se guérit en savourant l’air pur du Saint Esprit qui nous libère de rester centrés sur nous-mêmes, cachés derrière une apparence religieuse vide de Dieu »97, lit-on dans la joie de l’évangile.
Ce fut le travail du dernier concile, une ouverture au souffle de l’Esprit-Saint qui est toujours contrée par la tentation du repli sur soi, du communautarisme. Mais si le sel s’affadit, il ne sert plus à rien. C’est chaque jour que l’Eglise que chacun de nous doit se convertir, se laisser émonder par le Christ afin de porter du fruit pour l’humanité, le peuple de Dieu. De porter du fruit pour notre joie, pour notre bonheur et pour la gloire de Dieu.