ÉVANGILE « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13-16)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
HOMELIE
5° dimanche ordinaire- A
Ce passage d’évangile est la suite immédiate de la proclamation des béatitudes sur la montagne « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». Ce n’est pas un souhait de la part de Jésus, il ne dit pas : devenez ou soyez le sel, soyez la lumière du monde, il dit bien : vous êtes le sel, vous êtes la lumière. Voilà notre responsabilité, notre tâche.
Lorsque Matthieu écrit son évangile, le temple de Jérusalem a été détruit, l’état hébreux n’existe plus, la population a été dispersée, Jésus n’est reconnu comme messie que par une minorité des siens. Les juifs essaient de se regrouper à Jammia sous l’impulsion de quelques pharisiens dont le responsable est Jahanan Ben Zakaï pour garder et transmettre la foi traditionnelle. Alors face à tous ces drames le petit groupe des disciples de Jésus apparait comme un groupe de dissidents, de lâcheurs, de traitres, au moment où tout va mal. On les expulse des communautés traditionnelles et bientôt pour les différencier on va les appeler chrétiens. Quelle est leur place, à quoi servent- ils, ont-ils un avenir comme sel et lumière du monde comme dit l’évangile ? On ne peut pas comprendre la force de ces images si on ne les replace pas dans le contexte où elles ont été exprimées. Le sel c’est ce qui fait ressortir le goût des aliments certes mais le sel c’est surtout ce qui conserve avant nos récents congélateurs. D’où l’importance des routes du sel, des marchés du sel, des trafics du sel illustré chez nous par le fameux contrebandier Mandrin. Le livre des nombres parle d’une alliance de sel pour l’éternité c’est-à-dire d’une alliance qui dure (NB 18/19). On trouve la même idée au livre du lévitique : « Tu ne cesseras pas de mettre sur ton offrande le sel de l’alliance de ton Dieu. » (Lv 2/13) Le sel est donc une façon d’exprimer la fidélité de Dieu qui dans l’alliance est bien souvent fidèle pour deux.
Imaginons maintenant un monde sans électricité, ce n’est pas si ancien que ça et on peut alors comprendre l’importance de la plus petite lumière, du plus petit lumignon qui brille dans la nuit. Le sel n’est qu’un appoint, le lumignon n’est pas fait pour éblouir mais chacun a son rôle. « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde », voilà le rôle que Jésus confie à ses disciples. Non pas un rôle hégémonique mais un rôle qui dans sa petitesse, dans son humilité change tout. Donner à notre monde, donner à nos vies la saveur de l’évangile. Donner à notre monde, donner à nos vies la petite flamme de l’espérance. Il n’a jamais été dit que nous avions vocation à être majoritaire, ce qui est souvent le meilleur moyen de s’affadir, mais nous avons à être là, à être disciples du Christ, nous laissant toujours convertir par l’évangile et non pas convertissant et affadissant l’évangile à nos idéologies, ce qui est la tentation de tous les intégrismes.
Comment être sel et lumière, le prophète Isaïe nous le dit clairement : « Partage ton pain, couvre celui qui est nu, ne te dérobe pas à ton semblable. » Ce que Jésus développera dans l’évangile de saint Matthieu en concluant : « ce que vous avez fait ou pas fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait ou, pas fait »