Évangile « C’est toi-même qui dis que je suis roi » (Jn 18, 33b-37)
En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Pilate répondit : « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »
Homélie
Même si dans notre contexte culturel ce titre de roi appliqué à Jésus nous paraît complètement désuet, n’oublions pas que ce fut le motif de sa condamnation à sa mort, motif qui selon le droit romain devait être public. C’est la raison de l’écriteau sur la croix mentionnant : Jésus de Nazareth roi des juifs, le fameux INRI sur beaucoup de nos crucifix. Et saint Jean qui était présent soutenant Marie, la mère du supplicié, précise dans son évangile que cet écriteau était rédigé en hébreu, en latin et en grec. En hébreu, la langue du pays ; en latin, la langue de l’occupant et en grec, la langue commune, la langue de communication dans tout le bassin méditerranéen. Ce titre de roi dont on l’affuble en même temps qu’une couronne d’épine et un manteau de couleur pourpre c’est pour humilier et ridiculiser ce pauvre prisonnier. Nous, ses disciples nous ne pouvons pas nous tromper sur le sens de sa royauté et si nous étions tentés à notre tour de ridiculiser Dieu en le revêtant de tous les attributs et oripaux des royautés humaines, ce que l’on a fait et fait encore volontiers, l’évangile de cette fête nous ramène à la réalité. C’est le visage d’un exclu, d’un souffrant, d’un humilié, d’un torturé qui nous est présenté. Il est élevé, il est au dessus, oui mais sur une croix.
Et je ne peux m’empêcher de penser à la folle demande de la mère des fils de Zébédée : « Vois mes deux fils, ordonne qu’ils siègent l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ton royaume »- « Vous ne savez pas ce que vous demandez » lui rétorque Jésus. Prendre place à ses côtés ce ne peut être qu’un acte de foi, qu’un engagement dans le service et dans l’amour, jamais une recherche d’avantages, de considération ou d’honneurs.
Il est l’agneau et le pasteur, il est le roi, le serviteur ! C’est juché sur le dos d’un âne lors de sa dernière entrée à Jérusalem qu’il est acclamé comme roi par la foule. Aujourd’hui c’est enchaîné, livré par les siens à un juge des forces d’occupation, sous les huées de la même foule qui l’acclamait il y a quelques jours mais dont il a déçu l’attente, que Pilate le présente « voici votre roi », ce qui est encore plus méprisant pour la foule et ses chefs que pour Jésus : « vous n’avez que ça, vous ne méritez que ça comme roi ! » Et bientôt c’est du haut d’une croix qu’il va dominer la situation : voilà notre Dieu ! Il ne se penche pas sur le commun que nous sommes à la manière des puissants quand ils veulent bien avoir la condescendance de nous regarder, c’est quand il est à genoux en train de nous laver les pieds, quand il est à notre service qu’il accepte le titre de maître et seigneur.
Les deux premiers textes de ce dimanche sont de style apocalyptique, ils veulent soutenir l’espérance de croyants affrontés à la dureté du monde en soulevant le voile sur l’aboutissement heureux de chacun et de toute la création. Cette fête du Christ roi de l’univers qui conclue l’année liturgique veut nous faire entrevoir l’aboutissement final dans le Christ vers lequel nous tendons et en qui tout être trouvera son accomplissement. « Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité » et Pilate désabusé de soupirer : « Qu’est ce que la vérité ? » Eh bien soufflons lui la réponse à Pilate, ce vieux roublard de la politique : « La vérité, c’est le Christ ! » et nous ajoutons aussitôt : qui peut se vanter de posséder le Christ, alors personne ne peut dominer en son nom, on ne peut que servir en son nom.
Christ roi de l’univers ! Pourquoi pas si nous nous souvenons que son programme ce sont les béatitudes ; ses sujets : non pas des serviteurs mais des amis ; ses troupes : des hommes aux mains nues, sans besaces ni argent ; son uniforme : la tenue de service ; sa victoire : celle de l’amour sur la haine ! Alors oui, nous voulons bien travailler à l’avènement de ce royaume.